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Tentative de privatisation de l’hologramme de Johnny Hallyday

D’après le Journal du Dimanche, une société rémoise, préparant une tournée d’hommage à Johnny Hallyday, le Gabrielle Tour, tente de s’opposer à l’utilisation par la veuve du chanteur de l’image virtuelle de celui-ci à l’occasion du concert hommage devant se tenir le 14 septembre 2021 à Bercy. En effet, le spectacle programmé Que je t’aime doit faire revivre le temps de quelques minutes, par le biais d’un hologramme, Johnny.

Selon le Conseil de la société rémoise, sollicité par le journal L’Union, « Deux copyrights [sic] ont été déposés. Il y a, tout d’abord, la protection de l’hologramme de Johnny Hallyday, c’est-à-dire toute la représentation de Johnny en mouvement. L’image de Johnny appartient à tout le monde. Par contre le mouvement et toute la technologie qui permet de mettre en mouvement l’artiste, c’est ce qui a été protégé. Il y a également une protection sur la chorégraphie d’Hallyday sur scène ».   

Si la protection de chorégraphies par le droit d’auteur est régulièrement accueillie par les juridictions françaises et notamment par la Cour de cassation – sous réserve que celles-ci véritablement originales –, il apparaît en revanche que la tentative de réserver juridiquement l’hologramme d’une personne décédée soit sujette à de plus grandes réserves.

Droit à l’image du défunt : entre liberté et respect des droits des héritiers
Le droit à l’image ne peut plus ici jouer, dès lors qu’un tel droit s’éteint au décès de son titulaire, ainsi qu’a pu encore le réaffirmer la Cour de cassation le 31 janvier 2018[1] à propos d’Henri Salvador. En tant que droit de la personnalité, de nature extrapatrimoniale, le droit à l’image s’éteint nécessairement au décès de son titulaire et est intransmissible aux héritiers. À défaut d’avoir réalisé une contractualisation du vivant de la personne relative à l’utilisation de son image, celle-ci peut donc être librement utilisée de manière post-mortem dans les limites du respect dû à la personne et éventuellement à l’intégrité de son œuvre.

La société rémoise, si elle souhaite ainsi pouvoir utiliser l’image de Johnny Hallyday pour une tournée hommage, devra tout à la fois veiller au respect de la représentation du Taulier et à celui des droits d’auteur et d’artiste-interprète attachés à son œuvre. En effet, la Cour de cassation avait pu opportunément rappeler que les proches du défunt peuvent subir un préjudice personnel, dit par ricochet, qui peut être « déduit le cas échéant d’une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort »[2] par le biais de l’utilisation de son image.

Quelle protection pour les hologrammes ?
Pour autant, la protection revendiquée au titre de la création d’un hommage holographique n’est pas évidente. Si celle-ci l’est au titre du droit d’auteur, la protection revendiquée peut être sollicitée soit pour la chorégraphie elle-même, prise dans son individualité, soit pour la réalisation même de l’hologramme. Mais ici l’exigence d’originalité sera primordiale et sans doute difficilement caractérisable. Aujourd’hui deux méthodes permettent essentiellement de créer des hologrammes d’artistes décédés. La première consiste à compiler des photographies et des séquences vidéo archivées d’un artiste afin de parvenir à créer une performance virtuelle entièrement nouvelle. La seconde, quant à elle, fusionne de nouvelles images, créées avec le concours d’une doublure physique dotée de capteurs, à des archives. Les sociétés produisant de telles performances peuvent, sous réserve de ne pas enfreindre le droit des tiers et de permettre la création d’une œuvre originale, être alors investies de droits patrimoniaux.

En revanche, aucun monopole ne peut être accordé au titre du droit d’auteur sur le principe même de dédier une performance holographique à tel ou tel artiste décédé. Dès lors qu’il s’agit là d’un concept, celui-ci est dit de libre parcours et ne permettra pas de s’opposer au titre du droit d’auteur à la création de spectacles concurrents pour un même artiste. Une telle solution est de droit constant. Ainsi, à défaut d’une reprise des éléments originaux de la chorégraphie qui pourrait être spécialement créée par la société rémoise, la veuve de Johnny Hallyday pourra permettre la réalisation d’une incursion holographique de son défunt mari dans le concert hommage qui doit lui être rendu.

Quelle que soit l’issue de cette affaire, il pourrait s’agir ici de la première étude par des juridictions françaises d’une appréhension de la représentation holographique par le droit d’auteur.

Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l’art et au droit du marché de l’art, le Cabinet assiste régulièrement des artistes ou ayants-droit dans la défense et dans l’exploitation de leurs droits de la personnalité (droit à l’image, droit à la vie privée, etc.).

Me Alexis Fournol, sollicité par le journal Le Monde, a pu rappeler que « En France, le droit à l’image s’éteint avec l’individu. Dans les limites du respect dû à la personne et éventuellement à l’intégrité de son œuvre, il est donc possible d’exploiter librement l’image d’un défunt ».
N. Santolaria, La « société du spectral », quand les morts reprennent le boulot, Le Monde, 25 oct. 2019.

[1] Cass. civ. 1re, 31 janv. 2018, no 16-23.591.

[2] Cass. civ. 1re, 22 oct. 2009, no 08-11.112.