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Parasitisme reconnu pour la couverture d’un livre

Si l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 22 mars 2022 a rejeté l’action en contrefaçon initiée par les éditions Zulma en raison de la reprise des éléments de la couverture du livre « L’Embellie » d’Audur Ava Olafsdóttir, l’éditeur a néanmoins pu obtenir gain de cause sur le fondement du parasitisme.

L’arrêt précédemment envisagé sur le volet du droit d’auteur de la Cour d’appel de Versailles[1] a permis à l’éditeur de se voir indemnisé pour la reprise non-autorisée de la couverture de « L’Embellie » par un tiers qui n’avait pas été autorisé et qui avait opéré un détournement de la couverture dans le cadre d’une campagne publicitaire d’ampleur. La Cour offre ici une analyse pertinente de l’action en parasitisme, souvent envisagée en soutien d’une action en contrefaçon qui n'aurait pas été accueillie. Un tel soutien ne saurait néanmoins être considéré comme une action de repli dès lors qu’il présente une physionomie distincte visant à réparer un préjudice distinct.

Le fondement du parasitisme, action potentiellement autonome
Fondée sur l’article 1240 du Code civil, soit le socle de la responsabilité délictuelle, l’action en parasitisme ne peut, classiquement, invoquée cumulativement avec l’action en contrefaçon, à moins de démontrer l’existence d’un fait dommageable fautif distinct. Et la Cour rappelle ici que ce comportement fautif « peut consister en la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce ». Il peut consister également dans le parasitisme « lorsqu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d'investissements ». Et c’était bien là ce que reprochaient les éditions Zulma aux sociétés Elior.
En effet, l’action menée au titre du parasitisme ne saurait être ici considérée comme une action de « repli » selon la Cour, dans la mesure où celle-ci poursuit un intérêt distinct de celui de la contrefaçon. À savoir l’obtention de la réparation du préjudice né de la volonté par les sociétés Elior de tirer profit de sa notoriété et de ses investissements, en s’appropriant l’identité visuelle d’ouvrages édités par les éditions Zulma et en substituant sa marque et son slogan publicitaire au titre de l’ouvrage et au nom de l’auteur.

La détermination du préjudice subi
La société Zulma considérait avoir subi un préjudice lié à l’atteinte à son image commerciale. Pour fonder ce préjudice, l’éditeur avait commandé une étude statistique démontrant que 34% des 5611 lecteurs interrogés savent identifier la société Zulma grâce à ses couvertures, démontrant ainsi le fait que la couverture de l’ouvrage est bien révélatrice de l’image de la société éditrice.
Dès lors, selon la Cour, « le fait d’associer la couverture de « L’Embellie » à des objets et plats faisant référence à un repas de famille, dans le cadre d’une campagne publicitaire d’ampleur lancée par une société de restauration collective, sans l’accord de la société Zulma, lui a directement causé un préjudice en raison de l’atteinte portée à son image commerciale, à la banalisation et à la dévalorisation de sa couverture ».
En revanche, ni le caractère dégradant d’une telle publicité n’était démontré ni le gain manqué ou la perte subie du fait de l’atteinte à l’image de la société Zulma. C’est pourquoi, les magistrats ont procédé à une appréciation globale du préjudice subi à hauteur de 8.000 euros.

L’interdiction faite aux sociétés Elior de poursuivre toute reproduction ou représentation de la reprise non autorisée de la couverture
La société Zulma sollicitait à nouveau en cause d’appel que soit interdite aux sociétés Elior toute reproduction ou représentation de la couverture de « L’Embellie » ou de la couverture de toute autre ouvrage des éditions Zulma. La société éditrice avait toutefois relevé qu’à la suite de la mise en demeure du 10 avril 2018, les sociétés Elior avaient bien supprimé le visuel litigieux de plusieurs de leurs supports de communication. Pour autant la société éditrice prétendait que le visuel litigieux demeurait toujours présent sur certaines pages des sites du groupe Elior, de sorte qu’elle était encore bien fondée à solliciter une telle interdiction.
C’est pourquoi, la Cour, afin d’éviter toute réitération des actes de parasitisme, a confirmé les dispositions du jugement en ce qu’elles avaient fait droit à la mesure d’interdiction sollicitée mais sans astreinte, les sociétés Elior ayant déjà montré leur bonne foi en supprimant le visuel litigieux de plusieurs de leurs supports de communication dès la mise en demeure du 10 avril 2018.

Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au domaine de l’édition, le Cabinet accompagne régulièrement des auteurs, notamment des illustrateurs, des écrivains et des auteurs jeunesse, dans la défense de leurs intérêts tant au stade de la négociation et de la conclusion des contrats d’édition qu’à celui de la préservation de leurs droits en justice. Le Cabinet accompagne également des éditeurs indépendants dans la contractualisation de leurs relations avec les auteurs.

[1] CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 22 mars 2022, RG no 20/03988.