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Revente d’ouvrages : la mention « occasion » bientôt obligatoire

Article publié le 1er juillet 2023

Pris en application de la loi du 30 décembre 2021 visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs, le décret du 23 juin 2023 s’intéresse aux modalités de communication au public du prix des offres de livres neufs et de livres d’occasion, afin d’assurer une meilleure transparence notamment lorsque la vente des ouvrages d’occasion est assurée par des plateformes de vente en ligne.

Une définition du livre d’occasion
L’article 1er du décret définit pour la première fois le livre d’occasion comme « un livre qui, quel que soit son état matériel, a déjà été acheté ou reçu à titre gratuit par une personne pour ses besoins propres, excluant la revente ». Une telle définition est d’importance, dès lors qu’elle permet de tracer une frontière juridique efficace entre le livre d’occasion et le livre neuf, soumis quant à lui à la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre et au célèbre principe cardinale du prix unique du livre. C’est ainsi, et à titre de rappel, que l’article 1er de la loi impose en son quatrième alinéa que « les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l’éditeur ou l’importateur ». Or, ce prix unique calculé par rapport au prix fixé par l’éditeur ne s’applique pas aux livres d’occasion.
Cette définition reprend ainsi, tout en l’étendant, celle auparavant proposée par la doctrine du ministère de la Culture, selon laquelle un livre d’occasion doit avoir fait l’objet d’une vente préalable. Le champ du livre d’occasion ne comprenait ainsi auparavant pas, à titre d’illustration, le cas des exemplaires de services de presse, offerts et non vendus aux journalistes. La nouvelle définition opérée embrasse davantage d’hypothèses.

La fixation d’une norme de présentation
Au-delà de la définition du livre d’occasion emportée par son article 1er, le décret précise également les conditions de présentation des titres de seconde main afin d’éviter toute confusion dans l’esprit du public, notamment lorsque l’ouvrage d’occasion s’avère présenté concurremment avec des livres neufs. Et ce, que ce soit dans un lieu physique, à l’instar d’une librairie, ou à distance, par le biais d’une plateforme de vente en ligne. Dans cette hypothèse, la présentation de l’ouvrage concerné doit être nécessairement accompagnée de la mention « occasion », conformément à l’article 2 du texte.

Les marketplaces dans le viseur
Et le décret vise également de manière spécifique l’ensemble des plateformes de vente par voie électronique de type marketplace en précisant que « les personnes mettant à la disposition de tiers des infrastructures leur permettant de vendre des livres neufs et d'occasion sont tenues, dès lors que ces infrastructures déterminent les modalités de présentation du prix de vente des offres de livres, de distinguer l'offre de livres neufs et l’offre de livres d'occasion. Ces infrastructures doivent permettre au vendeur d'indiquer, le cas échéant, la mention ‘‘occasion’’ ».
Le texte répond ici à une critique récurrente du secteur quant aux modalités de présentation habituellement pratiquées sur de nombreuses marketplaces notamment avec l’utilisation de l’appellation « Comme neuf » pour désigner des livres en excellent état, mais qui s’avèrent bien d’occasion, sur les sites Internet dits de e-commerce. Or, un tel procédé pourrait constituer une distorsion de concurrence en raison de l’influence trompeuse d’une telle mention pour le consommateur. De la même manière, le Code de la consommation impose au vendeur de biens de « mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien », soit son caractère de bien neuf ou de bien d’occasion. Et donc le fait que ce bien a ou n'a jamais fait l'objet d'une cession, au moins, à un consommateur. 
C’est pourquoi, et pour ce qui est de l’affichage sur Internet, le décret ajoute que la précision « occasion » doit apparaitre « à l'occasion de toute mention du produit assortie de la communication de son prix de vente  », c’est-à-dire en ce compris dans les résultats de recherche quel que soit le terminal utilisé.

Une réflexion plus large à mener sur la filière du livre d’occasion
Quelques jours après la parution du décret, le président du Syndicat National de l’Édition (SNE) rappelait dans son discours de l’assemblée générale annuelle que « les chiffres présentés au dernier festival du livre sur le livre d’occasion sont de nature à interpeler : un livre sur cinq vendus en France aujourd’hui est un livre d’occasion, peut-être bien plus dans dix ans si les tendances s’accélèrent  ». Et ce, avant d’insister sur le fait que « ce marché s’organise au bénéfice exclusif de grandes plateformes, l’absence de toute rémunération des acteurs de la création appelle une réponse qui préserve les équilibres de notre filière ». Le chantier du législateur sur le livre d’occasion n’en est ainsi assurément qu’à ses débuts.

Le décret entre en vigueur dans les six mois après sa publication, soit en décembre 2023, afin de permettre à l’ensemble des acteurs concernés, et notamment aux marketplaces, de se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations.

Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet. 

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