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Tentative de récusation d’un expert en œuvres d’art

Article publié le 13 juillet 2023

En 2019, une rétrospective dédiée à Yves Klein (« Yves Klein, des cris bleus ») avait été organisée au musée Soulages, par Rodez Agglomération, entité juridique chargée de l’exploitation du musée. À cette occasion, trois œuvres en relief de l’artiste furent prêtées par un couple de collectionneurs, dont l’œuvre intitulée « Relief à l’éponge rose sans titre (RE 32) ». Mais durant le transport des œuvres l’éponge rose fut endommagée, à la différence des deux autres œuvres prêtées. Malgré la restauration de l’œuvre par un spécialiste du domaine, une demande d’expertise fut sollicitée par le musée, l’agglomération et l’assureur de celle-ci afin de déterminer l’étendue des désordres encore existants. Le Tribunal administratif de Toulouse, saisi en référé, fit droit à cette demande et nomma un collège d’experts, parmi lesquels figurait une commissaire-priseur.

L’impartialité de cette dernière fut postérieurement mise en cause par la communauté d’agglomération qui sollicita devant le même tribunal administratif sa récusation. Deux motifs distincts fondaient la demande, qui échoua au terme d’une décision du 4 juillet 2023[1].

Une impartialité remise en cause en raison de liens professionnels avec l’un des collectionneurs
Les trois requérantes tentaient de remettre en cause l’impartialité de l’experte en raison de sa sollicitation, sous sa casquette de commissaire-priseur et dans le cadre de son activité professionnelle, de l’un des deux collectionneurs, par ailleurs spécialiste de l’œuvre d’Arman. Or, c’était bien en cette seule qualité, celle d’auteur du catalogue raisonné dédié à l’artiste, que la commissaire-priseur avait sollicité la collectionneuse afin que celle-ci lui confirme l’authenticité d’une œuvre qui allait être proposée au feu des enchères par la maison de ventes. Et mention de cette confirmation avait été portée au sein du catalogue de vente établi par la commissaire-priseur. La décision rendue par le Tribunal administratif de Toulouse ne peut qu’être approuvée et la solution être ici citée, dès lors que la juridiction souligne que « la seule circonstance [d’une telle sollicitation] n’est pas de nature, compte tenu notamment des usages en matière de constitution de catalogues de vente, à susciter un doute sur l’impartialité » de l’expert nommée.   

Or, et ainsi que le rappelle préalablement la juridiction, « la récusation d’un expert ne peut être prononcée que s’il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. Il appartient au juge, saisi d’un moyen mettant en doute l’impartialité d’un expert, de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l’une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité ».

Une impartialité remise en cause en raison d’une analyse considérée comme hâtive
Au-delà de la partialité qui aurait soi-disant résulté d’un lien professionnel ponctuel avec l’une des parties, les requérants tentaient également de faire admettre à la juridiction que l’experte aurait manqué de partialité en réalisant des analyses considérées comme hâtives et précipitées, notamment sans prise en considération de leurs observations sur des questions essentielles. Ici, le fait que l’experte n’aurait pas pris en compte les éléments recueillis par le spécialiste qui avait restauré l'œuvre objet de l'expertise et qu’elle aurait décidé d’organiser des réunions d’expertise en visio-conférence traduisait pour les requérants sa partialité supposée. Mais la demande est une nouvelle fois rejetée, la juridiction considérant que « la circonstance que les requérantes ne partagent pas les analyses effectuées par [l’experte] n'est pas de nature à susciter un doute sur l'impartialité de cette dernière ». Une contestation sur les résultats de l’expertise, réalisée de manière détournée au regard des moyens mis en œuvre, ne saurait en effet être accueillie.

De telles demandes en récusation ne sont pas rares dans le domaine du mobilier et de l’objet d’art. C’est ainsi que notre Cabinet a pu intervenir, dans le cadre d’un dossier en droit pénal du marché de l’art de première ampleur, afin de s’opposer à la demande en récusation d’un expert judiciaire formulée par la partie pour laquelle le rapport d’expertise s’avérait défavorable. La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Versailles a ainsi refusé, le 27 avril 2023, de prononcer une telle récusation en rejetant l’ensemble de l’argumentation de la partie requérante fondée sur une soi-disant atteinte à l’impartialité objective et à l’impartialité subjective de l’expert judiciaire.

Un article écrit par Me Alexis Fournol,
Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédié au droit de l’art et au droit du marché de l’art, le Cabinet accompagne régulièrement des collectionneurs et des maisons de ventes, ainsi que des experts, dans les nécessaires opérations d’expertise d’œuvres ou d’objets dont l’attribution ou l’authenticité est judiciairement remise en cause. Notre Cabinet d’avocats a notamment développé une expertise attachée aux requêtes en récusation fondées sur l’impartialité des experts judiciaires. Notre Cabinet intervient aussi bien en France (à Paris et en région) qu’en Belgique (Bruxelles).

[1] TA Toulouse, 4 juill. 2023, 2e ch., no 2205112.