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Rénovation et originalité des plans d’architecture

Si l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que les plans et dessins réalisés dans le cadre d’un projet architectural sont protégeables par le droit d’auteur, encore faut-il caractériser leur originalité. Au terme d’un arrêt du 24 novembre 2020, la Cour d’appel de Paris a rejeté les demandes d’une société sur le fondement de la contrefaçon des plans qu’elle avait réalisés et qui avaient été repris par un concurrent choisi postérieurement par le commanditaire.

Les plans et dessins d’architecture susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur

Une société spécialisée dans la maîtrise d’ouvrage et l’ingénierie environnementale s’était vue attribuer en 2014 la réhabilitation de deux bâtiments. Un an après le début de la mission, le marché était résilié par la société propriétaire et réattribué à une nouvelle société. Toutefois, dans le cadre de sa mission avortée, la société écartée avait remis des plans et des documents à la propriétaire des bâtiments et cette dernière les avait, à son tour, remis à la nouvelle titulaire du marché. Celle-ci avait repris à l’identique ces plans et dessins, se contentant de remplacer le logo de la société écartée par le sien.

En 2017, la société ayant établi les plans architecturaux et son représentant légal ont assigné en contrefaçon de droits d’auteur le propriétaire du bâtiment et la société lui ayant succédé pour avoir repris à l’identique les plans et dessins établis dans le cadre du marché de maîtrise d’œuvre. Saisi de l’affaire, le Tribunal de grande instance de Paris rejeta les demandes, jugeant irrecevable à agir le représentant légal de la société et déboutant la société requérante pour défaut d’originalité des plans et dessins. La Cour d’appel ne fut pas plus clémente à l’égard des deux appelants.

Faisant preuve de pédagogie, les magistrats du second degré rappellent, dans un premier temps, les conditions d’éligibilité d’une création à la protection par le droit d’auteur. Ainsi, une œuvre de l’esprit, ici des plans d’architecte, est protégée sans formalité du seul fait de sa création. À ce titre, l’article L. 112-2, 12° du Code de la propriété intellectuelle précise notamment que « les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture et aux sciences » sont notamment considérés comme des œuvres de l’esprit. Lorsque cette protection est contestée, « l’originalité d’une œuvre doit être explicitée » par l’auteur, « seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité »[1].

Une protection sous réserve de la caractérisation de leur originalité

Les éléments caractérisant l’originalité sont désormais bien établis par la jurisprudence. Il est ainsi nécessaire que le requérant démontre que le résultat de sa création porte « l’empreinte de la personnalité »[2] de son auteur ou encore que la « création intellectuelle [s’avère] propre à son auteur »[3]. Dès lors, pour faire acte de création au sens des dispositions du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur doit avoir exprimé sa liberté créatrice. Or, au regard des différents éléments soumis à son analyse, la Cour d’appel relève qu’aucun acte de création n’était en réalité réalisé.

En effet, dans la déclaration des travaux soumise à la sagacité des magistrats, la société énonçait que la réfection de la toiture consistait en « son remplacement à l’identique » et la peinture décorative sur les façades devait utiliser des couleurs « se rapprochant de l’existant ». Cette présentation du projet précisait même « qu’aucune modification n’[était] prévue » concernant l’aspect architectural et que l’aspect extérieur « rest[ait] inchangé ». Les juges relevèrent donc que la réhabilitation dont était chargée la société requérante « devait se limiter à reprendre l’existant à l’identique ou sans modification », ce qui suffisait à écarter l’originalité alléguée, faute de pouvoir exprimer une quelconque liberté dans l’acte créateur.

Ne se contentant pas de ces seuls éléments, les magistrats continuèrent leur analyse, en relevant que le plan local d’urbanisme imposait un cadre strict aux ravalements de façade, soit en imposant de respecter l’existant. De manière identique, les couleurs devaient être sélectionnées avec l’accord des services municipaux. Enfin, les plans et dessins du projet de la société reprenaient en réalité les plans et dessins établis par l’architecte ayant édifié la résidence.

L’absence d’originalité des plans et dessins de la société de rénovation reprenant les éléments existants

Dès lors, la Cour confirme le jugement de première instance puisque la mission de la société requérante, dans le cadre contraint du plan local d’urbanisme, se limitait à une « remise en état aussi proche que possible de l’existant » et qu’il était ainsi impossible de procéder à un véritable acte de création. Et, si le cahier des clauses administratives particulières faisait mention d’une « œuvre architecturale » et stipulait que le maître de l’ouvrage avait la « qualité d’auteur », cette clause ne pouvait nullement conférer, en elle-même, le bénéfice de la protection du droit d’auteur à la société. Il importe, en effet, d’aller au-delà des stipulations du contrat afin de rechercher si la réalisation en litige peut ou non être éligible à la protection par le droit d’auteur. Corrélativement, la société requérante ne pouvait prétendre aux 150.000 euros de dommages et intérêts sollicités au titre de l’atteinte à ses droits patrimoniaux.

La Cour confirme également l’irrecevabilité à agir du représentant légal de la société. En effet, les plans et dessins ayant été divulgués et exploités par la seule société, elle ne pouvait qu’être la seule recevable à agir sur le fondement des droits patrimoniaux en vertu, notamment, de la présomption créée par la jurisprudence Aréo[4]. En revanche, et ainsi que la Cour d’appel de Paris a pu le rappeler dans une décision récente, seuls les architectes sont recevables à agir sur le fondement du droit moral, l’agence n’étant pas investie de ce droit particulier.

Article écrit par Me Simon Rolin, Avocat Collaborateur

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste les architectes et les agences dans la défense de leurs droits, notamment à l’occasion d’actions en contrefaçon, ou dans l’accompagnement au stade de la négociation et de la rédaction de leurs contrats.

[1] CA Paris, pôle 5, ch. 1, 24 nov. 2020, RG no 19/01232.

[2] V. not. Cass. civ. 1re, 9 avr. 2015, no 13-28.768.

[3] CJCE, 16 juill. 2009, Infopaq, no C-5/08.

[4] Cass. civ. 1re, 24 mars 1993, no 91-16.543.