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Actualités sur le droit de l’art et de l’édition

La reprise de ses droits par un auteur auprès de son éditeur

En matière de contrat d’édition, et quelle que soit la catégorie d’œuvre visée (œuvre littéraire, à destination d’un public jeunesse ou encore bande dessinée), l’usage veut que la durée de la cession des droits par un auteur au bénéfice de son éditeur soit consentie pour la durée légale de protection accordée par le droit d’auteur[1]. Soit durant toute la vie de l’auteur et pendant soixante-dix ans après son décès, contraignant ainsi les héritiers de l’auteur à respecter les termes du contrat conclu de son vivant. Cet usage ne prévaut, en revanche, aucunement en matière de contrat de compte à demi ou en matière de contrat d’édition à compte d’auteur où, dans ces deux hypothèses, la durée de la cession contractuellement arrêtée est souvent courte, de deux à cinq ans.

Pour autant, il n’est pas rare qu’un auteur souhaite reprendre ses droits sur un ouvrage. A défaut d’inexécution contractuelle commise par l’éditeur, une telle restitution ne pourra alors avoir lieu qu’à condition que les parties s’entendent sur les termes d’une négociation. En effet, l’éditeur ayant parfaitement respecté ses obligations contractuelles ne peut se voir imposer une rétrocession des droits au bénéfice de l’auteur.

En revanche, si l’auteur parvient à prouver que l’éditeur auquel les droits sur son ouvrage ont été cédés n’a pas respecté ses obligations contractuelles, une résiliation de plein droit pourra alors être mise en œuvre à l’encontre de l’éditeur. Encore faut-il que les manquements contractuels de l’éditeur correspondent notamment à l’une des huit hypothèses pour lesquelles la résiliation peut être obtenue aisément. Ces hypothèses visent en réalité les obligations principales qui s’imposent à l’éditeur dans l’équilibre trouvé par le législateur en matière de contrat d’édition et requièrent systématiquement l’envoi d’une lettre de mise en demeure avec accusé de réception dont le formalisme dépend de l’hypothèse envisagée. Au-delà de ces hypothèses spécialement visées par le Code de la propriété intellectuelle, le droit commun des contrats a vocation à s’appliquer à toutes les hypothèses de non-respect par l’éditeur des obligations nées du contrat d’édition.

Enfin, et bien souvent, le contrat prévoit un aménagement de la mise en œuvre de la fin de la relation contractuelle. Un tel aménagement peut néanmoins présenter parfois une physionomie si déséquilibrée que les termes de cet aménagement contractuel pourront être écartés et un retour au droit commun s’imposera.

Le non-respect de l’obligation de reddition des comptes 
En cas d’absence de reddition de comptes ou en cas de reddition incomplète, une telle hypothèse permet à l’auteur, à la suite d’une mise en demeure de respecter cette obligation adressée à l’éditeur et restée infructueuse pendant trois mois, de résilier l’intégralité du contrat d’édition et de récupérer ainsi ses droits sur l’ouvrage.
En outre, et si pendant deux exercices successifs l’auteur a dû mettre en demeure l’éditeur de satisfaire à cette obligation essentielle, le contrat est résilié de plein droit trois mois après l’envoi de la seconde mise en demeure, que celle-ci soit restée infructueuse ou non.
En tout état de cause, et a minima, une reddition de comptes annuelle doit être réalisée par l’éditeur au bénéfice de l’auteur. En effet, l’éditeur doit nécessairement rendre des comptes à l’auteur afin de l’informer sur le nombre d’exemplaires vendus, sur l’état des stocks et sur la rémunération à laquelle l’auteur a droit en vertu du contrat conclu.
Un exemple de résiliation et d’indemnisation judiciaires pour non-respect de l’obligation de reddition de comptes, illustrant une telle hypothèse, peut être lu sur cette page de notre site Internet.

Le non-respect de l’obligation de paiement des droits 
Une telle hypothèse permet à l’auteur, à la suite d’une mise en demeure de respecter cette obligation adressée à l’éditeur et restée infructueuse pendant trois mois, de résilier de plein droit l’ensemble du contrat et de se voir ainsi rétrocéder ses droits sur l’ouvrage.

Le non-respect de l’obligation de publication de l’œuvre sous forme imprimée
Une telle hypothèse permet à l’auteur de bénéficier d’une résiliation de plein droit du contrat. Il est d’usage qu’un délai de quelques mois soit contractuellement prévu entre la remise du manuscrit définitif – c’est-à-dire de l’œuvre sous sa forme définitive par l’auteur – et la publication de l’œuvre par l’éditeur. De la même manière, il doit être prévu le nombre d’exemplaires qui feront l’objet du premier tirage. 
Dès lors, si l’éditeur n’a pas satisfait à son obligation de publication dans le délai imparti une résiliation de plein droit du contrat peut avoir lieu. Celle-ci est encadrée, depuis l’ordonnance du 12 novembre 2014, par l’article L. 132-17-2 du Code de propriété intellectuelle qui prévoit expressément que « la cession des droits d’exploitation sous une forme imprimée est résiliée de plein droit lorsque, après une mise en demeure de l’auteur adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’éditeur ne satisfait pas dans un délai de six mois à compter de cette réception aux obligations qui lui incombent à ce titre ». 
En cas de défaut d’exploitation de l’œuvre, il convient donc d’adresser une lettre recommandée avec accusé de réception au terme de laquelle l’éditeur est contraint d’exploiter l’œuvre dès lors qu’à défaut le contrat est résilié de plein droit. 

Le non-respect de l’obligation de publication de l’œuvre sous forme numérique 
Une telle hypothèse permet à l’auteur de bénéficier d’une résiliation de plein droit de la partie numérique de son contrat d’édition, à l’instar de ce qui prévaut en matière de publication sous forme imprimée.

Le non-respect de l’obligation d’exploitation permanente et suivie du livre sous forme imprimée 
Une telle hypothèse permet à l’auteur de récupérer automatiquement ses droits sur l’ouvrage sous forme imprimé. La mise en œuvre de cette résiliation de plein droit impose l’envoi d’une mise en demeure à l’éditeur de respecter cette obligation. Si celle-ci est restée infructueuse pendant six mois, l’auteur se voit alors rétrocéder automatiquement ses droits.
Un exemple de résiliation et d’indemnisation judiciaires pour non-respect de l’obligation d’exploitation continue, illustrant une telle hypothèse, peut être lu sur cette page de notre site Internet.

L’épuisement de l’ouvrage sous forme imprimée 
Une telle hypothèse permet à l’auteur, après mise en demeure de l’éditeur et faute, pour ce dernier, de procéder à une réimpression dans un délai raisonnable, de résilier l’intégralité du contrat d’édition et de récupérer ainsi ses droits sur l’ouvrage.
Depuis l’ordonnance du 12 novembre 2014, l’article L. 132-17 du Code de la propriété intellectuelle a défini la notion d’ouvrage épuisé. Ainsi, « l’édition est considérée comme épuisée si deux demandes de livraison d’exemplaires adressées à l’éditeur ne sont pas satisfaites dans les trois mois ». L’ouvrage est ainsi considéré comme épuisé si deux demandes de livraison d’exemplaires ont été adressées à l’éditeur et si ce dernier n’y a pas donné suite dans les trois mois. Dans pareille situation, l’auteur peut impartir à l’éditeur dans une mise en demeure un délai raisonnable pour rééditer l’œuvre, et à défaut pour l’éditeur de s’exécuter, le contrat d’édition prend automatiquement fin. L’auteur récupérera ses droits sur son œuvre.
Attention néanmoins, il arrive parfois que certains éditeurs tentent d’opposer une absence d’épuisement de l’ouvrage en arguant d’un stock même résiduel d’ouvrages.

Le non-respect de l’obligation d’exploitation permanente et suivie de l’ouvrage sous forme numérique 
Le non-respect d’une telle obligation permet à l’auteur de récupérer automatiquement ses droits sur l’exploitation numérique de son ouvrage. La mise en œuvre de cette résiliation de plein droit impose l’envoi d’une mise en demeure à l’éditeur de respecter cette obligation. Si celle-ci est restée infructueuse pendant six mois, l’auteur se voit alors rétrocéder automatiquement ses droits.

L’absence de tout résultat d’exploitation sur deux années consécutives 
Pour l’ensemble des contrats d’édition signés après le 1er décembre 2014, l’article L. 123-7-4 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit dorénavant que « le contrat pourra prendre fin à l’initiative de l’auteur ou de l’éditeur si, 4 ans après la publication de l’œuvre et pendant 2 années consécutives, les redditions de comptes ne font apparaître de droits versés, ou crédités en compensation d’une avance sur droits ».
Ainsi, l’absence de tout résultat d’exploitation pour un ouvrage, sous forme imprimée ou numérique, sur deux années consécutives, à partir de quatre ans à compter de la publication du livre, permet à l’auteur de récupérer automatiquement ses droits. La mise en œuvre de cette résiliation de plein droit impose toutefois l’envoi d’une lettre à l’éditeur. 

Le cas particulier de l’œuvre de collaboration
Si l’auteur n’est pas le seul auteur de l’ouvrage, il ne pourra bénéficier de la même liberté dans la mise en œuvre des prérogatives qui lui sont accordées par la loi pour mettre fin au contrat d’édition. Une telle situation se rencontre très fréquemment en matière de livre illustré ou de bande dessinée, notamment lorsqu’un dessinateur et un scénariste – voire un coloriste – ont réalisé en commun l’œuvre concernée. En effet, l’article L113-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs ». À ce titre, et par un arrêt du 14 octobre 2015[2], la Cour de cassation a pu rappeler qu’un contrat d’édition conclu par deux coauteurs, ici un compositeur de musique et son parolier, doit être nécessairement résilié par ces deux parties.

Ainsi, dans toutes ces hypothèses, il s’avère nécessaire d’adresser les courriers de mise en demeure ou de reprise des droits par lettre recommandée avec accusé de réception, courriers que notre Cabinet réalise régulièrement pour ses clients, auteurs ou ayants droit, en vue de leur permettre une nouvelle exploitation de leurs œuvres. De la même manière, nous accompagnons également nos clients dans le processus d’indemnisation judiciaire ou extra-judiciaire en raison des éventuels manquements contractuels des éditeurs ou dans la défense des droits d’éditeurs indépendants en cas de revendication infondée de la part d’auteurs.

Enfin, la situation financière de l’éditeur peut également constituer une cause de la résiliation du contrat d’édition. Ainsi en cas de liquidation judiciaire de l’éditeur, le contrat est résilié.

Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au domaine de l’édition, le Cabinet accompagne régulièrement des auteurs, notamment des illustrateurs, des écrivains et des auteurs jeunesse, dans la défense de leurs intérêts tant au stade de la négociation et de la conclusion des contrats d’édition qu’à celui de la préservation de leurs droits en justice. Le Cabinet accompagne également des éditeurs indépendants dans la contractualisation de leurs relations avec les auteurs.

[1] En cas contraire, c’est-à-dire en présence de la stipulation d’un délai de cession, l’article L. 132-11 du Code de la propriété intellectuelle prévoit logiquement que « En cas de contrat à durée déterminée, les droits du cessionnaire s'éteignent de plein droit à l'expiration du délai sans qu'il soit besoin de mise en demeure ». 

[2] Cass. civ. 1re, 14 oct. 2015, no 14-19.214, Bull. civ. I, no 315.