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Action en recouvrement d’un bordereau impayé par une maison de ventes

Une maison de ventes a qualité à agir en recouvrement du prix d’un bordereau impayé, notamment lorsqu’elle justifie avoir payé son vendeur et se trouver corrélativement subrogée dans ses droits.

Il est de plus en plus fréquent qu’un adjudicataire défaillant dans son obligation de paiement tente d’opposer aux maisons de ventes des fins de non-recevoir lorsqu’un opérateur de ventes volontaires recherche judiciairement le paiement d’un bordereau. Parmi ces fins de non-recevoir, la qualité et le droit à agir de la maison de ventes aux enchères publiques sont ainsi régulièrement contestés devant les juridictions, afin de tenter de faire constater le caractère irrecevable des demandes en recouvrement forcé.

C’est ainsi qu’un adjudicataire, qui n’avait pas réglé un certain nombre de bordereaux, contestait devant la Cour d’appel de Versailles la qualité et le droit à agir d’une maison de ventes, en tentant notamment de soulever que l’article L. 321-14 du Code de commerce ne prévoirait pas le paiement du prix au vendeur par le commissaire-priseur.

Paiement du vendeur et subrogation de la maison de ventes dans ses droits
Pour autant, la Cour d’appel de Versailles constate, dans un arrêt du 14 juin 2022, que l’opérateur de ventes volontaires avait intégralement réglé les acquisitions opérées par l’adjudicataire défaillant à ses vendeurs[1]. Dès lors, « le règlement du prix aux vendeurs étant démontré, [la maison de vente] se trouve subrogée dans les droits de ceux-ci par application de l’article 1251 3° ancien du Code civil ». En outre, la maison de ventes produisait à l’occasion des débats judiciaires les bordereaux vendeurs indiquant les numéros des procès-verbaux de vente, la date de la vente, le montant des adjudications, la ligne et la description des objets, ainsi que le mode de règlement et le numéro des chèques correspondants. La preuve tant des adjudications que du paiement des bordereaux au bénéfice des vendeurs par la maison de ventes était donc nécessairement acquise.
L’opérateur de ventes volontaires pouvait corrélativement rechercher le paiement de l’intégralité des montants dus par l’acheteur particulièrement indélicat, c’est-à-dire tout à la fois le montant qu’il avait versé à ses mandants et celui correspondant à ses honoraires (frais acheteur et frais vendeur).

Éviter les contestations des adjudicataires défaillants
Si certaines décisions récentes tendent à retenir que l’action en recouvrement du prix à l’encontre de l’adjudicataire défaillant ne s’inscrirait pas dans le périmètre du mandat reçu par le commissaire-priseur, une telle analyse nous semble néanmoins être véritablement sujette à caution.
Pour autant, et afin d’éviter toute difficulté, la preuve d’un mandat spécial reçu de la part du vendeur permettant une mise en œuvre de la procédure en recouvrement forcé du prix ou celle du paiement du prix au vendeur suffisent à assurer à l’opérateur de ventes volontaires une qualité à agir incontestable devant les tribunaux.
En tout état de cause, il apparaît nécessaire de toujours procéder, devant les tribunaux saisis, à une ventilation précise des montants dont le recouvrement est sollicité avec, d’une part, le montant revenant au vendeur et, d’autre part, le montant revenant à la maison de ventes, celle-ci ayant toujours qualité pour agir en son propre nom et pour son propre compte face au préjudice pécuniaire subi en raison du non-paiement de l’adjudicataire. En pareille hypothèse, il s’agit bien du paiement des frais acheteur et vendeur qu’elle tentera de voir mis judiciairement à la charge de l’adjudicataire indélicat.

Privilégier le recouvrement forcé du prix
Si les opérateurs de ventes volontaires bénéficient du mécanisme de la « folle enchère », dorénavant désigné sous le vocable de « réitération des enchères », sur le fondement de l’article L. 321-14 du Code de commerce, la mise en œuvre d’un tel mécanisme est souvent vaine dans les faits. En effet, l’adjudicataire défaillant, qui se sera volontairement soustrait à son obligation de paiement, n’aura sans doute aucune volonté de payer la différence entre le montant de l’adjudication à son profit et avec celui de l’adjudication du bien remis en vente.
C’est pourquoi, nous conseillons régulièrement à nos Clients maisons de ventes aux enchères publiques de procéder à une action en recouvrement forcé du prix devant les juridictions compétentes. Une telle mesure permet en outre d’obtenir des dommages et intérêts complémentaires et une prise en charge financière des frais de procédure. Notre Cabinet obtient au profit de ses Clients une dizaine de décisions par an dont il assure ensuite la mise en œuvre avec ses huissiers partenaires partout en France.

Que retenir ?
o   la qualité et l’intérêt à agir d’une maison de ventes sont souvent contestés en défense lorsqu’est recherché le recouvrement forcé du prix d’une vente aux enchères publiques ;
o   des précautions peuvent être aisément prises pour éviter toute contestation (dispositions spécifiques dans la réquisition de vente, mandat spécial d’agir en justice, paiement du vendeur par la maison de ventes et subrogation de celle-ci dans les droits de son vendeur) ;
o   le recouvrement forcé du prix en justice est à préférer à la mise en œuvre de la folle enchère.


Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l’art et au droit du marché de l’art, le Cabinet accompagne régulièrement des maisons de ventes aux enchères (opérateurs de ventes volontaires et commissaires-priseurs judiciaires) dans les contentieux relatifs à la contestation de l’attribution d’une œuvre ou d’un objet d’art, ainsi qu’à la tentative d’engagement de la responsabilité des professionnels de l’expertise. Nous accompagnons également nos Clients dans le recouvrement des bordereaux impayés, que ce soit à Paris ou en tout autre lieu où s’est tenue la vente aux enchères publiques.

[1] CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 14 juin 2022, RG no 20/04967.