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Résiliation judiciaire d’un contrat d’édition aux torts d’un auteur

Article publié le 27 mars 2024

Si l’hypothèse la plus commune est celle d’une demande judiciaire visant la résiliation d’un contrat d’édition à la demande de l’auteur, il advient que celle-ci puisse être également formulée par un éditeur. Faute de remise dans les délais impartis du manuscrit commandé, l’éditeur peut ainsi solliciter la résiliation du contrat, le remboursement de l’avance versée et d’éventuels dommages et intérêts.

C’est ainsi qu’un éditeur avait conclu un contrat d’édition avec un auteur en juillet 2014, au terme duquel l’auteur s’engageait à remettre au plus tard en juin 2015 le manuscrit, tout en bénéficiant dans l’intervalle d’un à-valoir de près de 10.000 euros. Pour autant, aucun manuscrit ne fut remis à la maison d’édition dans le délai imparti, malgré de nombreuses relances auprès de l’auteur, aussi bien par courriers que par mises en demeure.

La résolution judiciaire aux torts de l’auteur
Contrariée, la maison d’édition assigna alors devant le Tribunal judiciaire de Paris l’auteur afin que soit en premier lieu constatée la résolution du contrat d’édition. Au terme d’un bref examen du contrat, le Tribunal constate que celui-ci consiste bien en un contrat d’édition, dûment signé par l’auteur, portant sur un ouvrage dont le titre provisoire était « L’époque », et dont le manuscrit devait être livré dans un délai contractuellement déterminé. Et afin de constater l’absence de remise du manuscrit – preuve presque diabolique – le Tribunal conclut, dans sa décision du 15 février 2024, qu’aucun élément ne permet de considérer que la livraison du manuscrit n’a eu lieu, dès lors que l’auteur ne s’est pas constitué dans la procédure judiciairement menée à son encontre et que toutes les mises en demeure ont été retournées à l’éditeur avec la mention « pli non avisé ». Or, selon le Tribunal, « la livraison du manuscrit de l’ouvrage destiné à être édité ne pouvant qu’être regardée comme une condition sine qua non d’un contrat d'édition dans la mesure où son inexécution ne permet pas l’édition et la commercialisation de l’ouvrage, une telle inexécution caractérise donc un manquement grave justifiant la résolution du contrat ».

L’absence de preuve de paiement de l’à-valoir
La décision pourrait néanmoins paraître surprenante dans son appréhension de la demande de restitution forcée de l’à-valoir versé à l’époque à l’auteur. En effet, cette demande, pourtant légitime de la part de l’éditeur, est rejetée par le Tribunal. Pareille solution repose ici sur une carence probatoire de la part de la maison d’édition.
Ainsi, le Tribunal relève que « bien que le contrat d’édition dont se prévaut la demanderesse stipule expressément que la somme de 10 000 euros est versée à [l’auteur] le jour de la signature, il ne peut qu'être relevé, faute de comparution du défendeur ou de toute pièce susceptible de démontrer que ce versement est effectivement intervenu, que cette seule mention est insuffisante pour établir que [l’auteur] a effectivement reçu cette somme. Aussi, faute de preuve du versement d'un « à-valoir » de 10 000 euros, l'obligation de la restituer du fait de la résolution du contrat n'est pas établie ». En d’autres termes, et afin de pouvoir obtenir satisfaction, l’éditeur aurait dû verser aux débats la preuve du paiement de l’à-valoir, soit une remise de chèque et son encaissement, soit un ordre de virement et son débit. D’apparence sévère, d’autant plus que l’auteur indélicat n’était pas présent et que le contrat a été dûment résilié, le Tribunal applique ici avec une certaine rigueur les règles probatoires du droit commun des obligations. 

L’indemnisation du préjudice subi par l’éditeur
Une même rigueur est de mise dans l’appréhension par le Tribunal de la preuve du préjudice subi par l’éditeur en raison de l’inexécution contractuelle, c’est-à-dire en raison de l’impossibilité de pouvoir fabriquer et commercialiser le livre faute d’avoir obtenu la livraison du manuscrit. Dans cette espèce, le Tribunal considère, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, que la maison d’édition ne verse aucun élément susceptible d'établir qu’elle aurait procédé à des investissements en vue de l'édition de l'ouvrage litigieux et aucun élément permettant d'estimer les chances d’édition d’un manuscrit non remis et non validé. Pour autant, et au regard de la situation particulière à laquelle était confronté l’éditeur, le Tribunal retient néanmoins qu’un préjudice a bien existé au détriment de la maison d’édition, préjudice résultant de l'inexécution de cette livraison aux seuls frais exposés et temps perdus pour l'élaboration du contrat et les tentatives de son exécution. Ce préjudice est ici estimé forfaitairement à 2.000 euros.

Un article écrit par Me Alexis Fournol,
Avocat à la Cour et Associé du Cabinet. 

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