Retours sur le questionnaire d'auto-évaluation des galeries d'art et marchands d'art
Article publié le 5 novembre 2025
Chaque année, la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED) publie les résultats agrégés des réponses apportées par les professionnels concernés au questionnaire d’auto-évaluation. La synthèse publiée par rapport aux réponses apportées en 2024 par les marchands d’art et d’antiquités ainsi que les galeristes permet de dresser un état des lieux des insuffisances constatées dans le respect des obligations légalement imposées en matière de LCB-FT.
La nécessité de formaliser par écrit la classification des risques et une procédure interne
La mise en œuvre de la réglementation LCB-FT repose sur une approche par les risques, ce qui impose de connaître tout à la fois les traits saillants de chaque secteur d’activité concerné, ses acteurs et les éventuelles failles attachées aux tentatives d’instrumentalisation des professionnels à des fins de blanchiment notamment.
Ici, la DNRED appelle les professionnels, marchands, antiquaires et galeristes, à exercer une vigilance à la fois sur la traçabilité des biens achetés mais également sur l’origine et la destination des fonds des clients. Les professionnels sont à nouveau invités à formaliser une procédure interne au sein de laquelle est détaillé le dispositif de gestion des risques de BC-FT.
Pour autant, la synthèse indique que seuls 41 % des répondants déclarent posséder une classification des risques. De la même manière, seuls répondants déclarent avoir un ou plusieurs documents écrits décrivant les procédures internes relatives à la LCB-FT. Et ce, alors même que ces « documents constituent la pierre angulaire du dispositif LCB-FT ». À cet égard, la DNRED rappelle pertinemment que lors des actions de contrôle par les agents de la douane, l’existence, la qualité et le caractère exhaustif de ces documents sont évalués. Dans un second temps, le contrôle apprécie l’effectivité du dispositif LCB-FT afin de s’assurer du respect des obligations LCB-FT par le professionnel. Un effort majeur doit ici être consenti par les professionnels assujettis, quelle que soit la typologie de structure concernée.
La nécessité d’identifier et vérifier l’identité de la clientèle
La synthèse rappelle qu’un professionnel doit vérifier l’identité d’un client régulier dès lors qu’il réalise une ou plusieurs opérations liées pour un montant total excédant 10 000 €. Lorsqu’il s’agit d’un client occasionnel, son identité doit être vérifiée dès la réalisation d’opérations supérieures à 15 000 €. Une relation d’affaires est nouée lorsque le professionnel engage une relation professionnelle ou commerciale qui va s’inscrire dans une certaine durée. L’identification et la vérification du client sont systématiques avant l’entrée en relation d’affaires.
Cette identification doit s’accompagner d’un « filtrage » des clients, c’est-à-dire d’une vérification de leur inscription ou non sur la liste de gel des avoirs de la Direction Générale du Trésor.
Pour autant, et selon le document de synthèse, seuls 27 % des professionnels déclarent disposer d’un dispositif de détection des personnes soumises au gel des avoirs. La mise en œuvre des mesures de gel des avoirs nécessite de détecter les opérations au profit de personnes ou entité sous sanctions et de déclarer la tentative d’opération à la Direction Générale du Trésor.
Or, et en l’absence d’un dispositif ou de la mise en œuvre de cette obligation, les professionnels s’exposent au risque de violation des sanctions et de poursuites.
La nécessité de former du personnel
La synthèse indique que seuls 8% des répondants, marchands d’art et galeristes, ont mis en place un dispositif de formation LCB-FT au sein de leur structure. Essentielle à la bonne exécution des obligations incombant aux professionnels, la formation à la LCB-FT permet au dirigeant et à ses collaborateurs d’utiliser au mieux la procédure interne et la classification des risques pour appliquer ses obligations. Pour être efficace, la formation doit être régulière et se coupler avec une information régulière sur la thématique. Il s’agit ici, une nouvelle fois, d’une obligation légalement imposée à toute entité assujettie pour tout membre du personnel en relation avec la clientèle. Cette obligation ne saurait être remplie si elle ne concerne que le seul dirigeant d’une structure comportant plusieurs salariés.
La nécessité de détecter et comptabiliser les opérations atypiques
La synthèse réalisée par la DNRED permet de constater un très faible taux de déclarations de soupçon auprès de Tracfin. En 2022, seules quatre déclarations ont été réalisées ; elles étaient au nombre de trois en 2023. Selon la DNRED, la faiblesse du dispositif de détection des opérations atypiques expliquerait le nombre limité de déclarations de soupçon réalisées par les acteurs du secteur à Tracfin. Ces alertes peuvent concerner : l’atteinte de seuils déterminés par une transaction, la livraison d’œuvres vers un port franc, la réception de fonds provenant d’un compte bancaire qui n’appartient pas au client, etc.
Face à ces constats, les galeries et les marchands doivent mettre en place un véritable programme de conformité interne.
Ces obligations imposent de procéder à :
une cartographie des risques, adaptée à la nature et à la taille de la structure ;
une procédure de connaissance client (KYC) solide, incluant l’identification du bénéficiaire effectif de l’opération pour les personnes morales ;
un suivi des opérations et la détection des signaux d’alerte ;
la déclaration à Tracfin en cas de soupçon ;
une formation continue du personnel sur les obligations LCB-FT.
Un article écrit par Me Alexis Fournol
Avocat à la Cour et Associé du Cabinet
Dans le cadre de son activité dédiée à la conformité et à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le Cabinet assiste les professions assujetties dans la mise en conformité de leur activité, dans l’élaboration des protocoles internes et dans toutes les phases de contrôle, tant de la part de la DGCCRF que de la part de la DNRED.
À ce titre, et dans le cadre plus spécifique de son activité dédiée au droit de l’art et au droit du marché de l’art, le Cabinet assiste régulièrement les professionnels du secteur (commissaires-priseurs et galeristes notamment) ainsi que leurs syndicats dans la mise en conformité de leur activité au regard des contraintes attachées à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Notre Cabinet intervient aussi bien en France qu’en Belgique, notamment à Bruxelles.