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Condamnation d’une commune pour dégradation temporaire d’une œuvre d’art

L’actualité judiciaire dénote ces derniers mois un certain désamour qui peut exister entre les communes tenues par le Front national (désormais Rassemblement national) et le droit des artistes. Ainsi, après la condamnation de la commune de Béziers en juin 2019, en raison de la reprise non-autorisée d’un parcours artistique urbain, voici désormais que la commune d’Hayange vient d’être condamnée pour avoir dégradé – même de manière temporaire – une œuvre insérée dans l’espace public communal.

Les faits jugés par le Tribunal de grande instance de Nancy avaient donné lieu à une très large publicité nationale tant la colère de l’artiste avait été importante face à la dénaturation d’une partie de son œuvre intitulée « Source de vie » et consistant en une fontaine ornant une des places du centre-ville. Parmi l’ensemble monumental, un œuf de pierre poli avec effet miroir avait été repeint en bleu par la commune, sans que l’artiste n’ait été consulté.

La reconnaissance judiciaire de l’atteinte au droit moral de l’artiste, en raison d’une atteinte à l’intégrité de l’œuvre, s’imposait. Et ce, quand bien même l’œuvre n’avait-elle pas été détruite, mais seulement dégradée, c’est-à-dire ici recouverte d’une peinture de manière temporaire sans que l’artiste n’ait donné son accord. Le Tribunal de grande instance de Nancy reconnaît ainsi, aux termes de sa décision du 6 décembre 2019, que « la teinte originale des différents états du petit granit constituait un élément essentiel du travail créatif de l’auteur ». Le choix de repeindre cette partie de l’œuvre constituait donc nécessairement une atteinte au droit dû à l’intégrité matérielle de l’œuvre. Et sans que le Tribunal ne le dise expressément, une atteinte à l’intégrité spirituelle de l’œuvre semble être également de mise. En effet, la décision rappelle que « la mise en peinture du socle et de l’œuf dans une couleur emblématique de l’orientation politique de la commune, à laquelle l’auteur n’entendait pas être associé, a été de nature à porter atteinte à la réputation de celui-ci ».

À notre sens, il aurait fallu distinguer à ce dernier égard l’atteinte portée à l’intégrité spirituelle de l’œuvre de l’atteinte portée à l’artiste lui-même. Ces deux atteintes distinctes auraient alors donné lieu à deux chefs de réparation différents, l’un sur le fondement du droit d’auteur, l’autre sur le fondement de l’existence d’un préjudice moral subi par l’artiste.

Quant au calcul du préjudice moral, celui-ci est fixé par le Tribunal à la somme de 400 euros par mois d’exposition de l’œuvre dégradée, soit à la somme de 4.000 euros au regard des dix mois de dégradation continue. Aucune justification n’est cependant apportée au montant mensuel retenu.

Si la présente décision ne fonde aucune solution juridique nouvelle et opère quelques confusions, elle offre néanmoins l’intérêt essentiel de rappeler que les droits d’un artiste doivent être respectés et que le propriétaire, qu’il soit public ou privé, ne peut disposer comme bon lui semble d’une création de l’esprit.

Un article écrit par Alexis Fournol, Avocat à la Cour & Associé du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art, le Cabinet intervient régulièrement pour le compte d'artistes, dont les oeuvres ont été détériorées ou irrémédiablement détruites tant par des personnes de droit privé que de droit public.

Si vous êtes un artiste ou un ayant-droit d'artiste concerné par la dégradation ou la destruction d'une oeuvre, le Cabinet répond gracieusement à votre première sollicitation.