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Les acteurs du marché de l’art assujettis aux obligations en matière de LBC-FT en France

Tirant les conséquences de la directive européenne du 4 décembre 2001 dite « deuxième directive anti-blanchiment », le législateur français n’a pas tardé à assujettir les acteurs du marché de l’art aux obligations en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (LBC-FT).

Rappel historique de l’assujettissement des acteurs du marché de l’art français aux obligations LBC-FT
La deuxième directive anti-blanchiment marquait l’insertion de certains acteurs du marché de l’art au sein de la liste des entités assujetties aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Étaient ainsi concernés les « marchands d’articles de grande valeur, tels que pierres et métaux précieux, ou d’œuvres d’art et commissaires-priseurs », sous réserve, à l’époque, que le paiement soit effectué en espèces pour une somme égale ou supérieure à 15.000 euros.
En conséquence, le législateur soumettait aux obligations en la matière et ce, dès 2001, les « personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de matériaux précieux, d’antiquités et d’œuvres d’art »[1]. Les commissaires-priseurs judiciaires et les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques étaient ensuite intégrés au sein de cette disposition en 2004[2].
La disposition de 2001 faisait l’objet d’une profonde modification en 2016 afin d’opérer une distinction entre les « personnes se livrant habituellement au commerce d’antiquités et d’œuvres d’art » et les « personnes acceptant des paiements en espèces ou au moyen de monnaie électronique d’un montant supérieur à un seuil fixé par décret et se livrant au commerce de biens suivants : pierres précieuses, métaux précieux, bijoux, objets d’ameublement et de décoration d’intérieur, produits cosmétiques, produits textiles, maroquinerie, produits gastronomiques, horlogerie, arts de la table »[3].

Ladite disposition était substantiellement refondue, par deux fois, en 2020. Ainsi, l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier dispose à présent que :
« 10° Les personnes qui négocient des œuvres d’art et des antiquités ou agissent en qualité d’intermédiaires dans le commerce des œuvres d’art et d’antiquités, y compris lorsque celui-ci est réalisé par des galeries d’art, lorsque la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est d’un montant égal ou supérieur à 10 000 euros et les personnes qui entreposent ou négocient des œuvres d’art ou agissent en qualité d’intermédiaires dans le commerce des œuvres d’art quand celui-ci est réalisé dans des ports francs ou zones franches, lorsque la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est d’un montant égal ou supérieur à 10 000 euros ; 
11° Les personnes acceptant des paiements en espèces ou au moyen de monnaie électronique d’un montant supérieur à un seuil fixé par décret et se livrant au commerce de biens ; 
11° bis Les personnes, autres que celles mentionnées aux 1° à 7°, se livrant à titre habituel et principal au commerce de métaux précieux ou de pierres précieuses, lorsque la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est d’un montant égal ou supérieur à 10 000 euros ;
[…] 13° Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les avocats, les notaires, les commissaires de justice, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, dans les conditions prévues à l’article L. 561-3 ;
14° Les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques lorsque la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est d’un montant égal ou supérieur à 10 000 euros. »

Les entités assujetties au sein du secteur du marché de l’art français
Une pluralité d’acteurs du marché de l’art spécifiquement visés est désormais assujettie aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, prenant place au sein de la liste particulièrement étendue de l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier.
Ainsi, la catégorie de « marchands d’art » usuellement utilisée par l’autorité de contrôle de telles entités, la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects, recouvre (i) les négociants ainsi que (ii) les intermédiaires dans le commerce d’œuvres d’art et d’antiquités. Sont expressément visés au sein de la disposition légale les galeries d’art. Son champ d’application s’étend également aux antiquaires et aux brocanteurs. La distinction entre ces deux catégories est notamment précisée par le Syndicat National des Antiquaires, qui considère que le respect des règles et usages de la profession d’antiquaires permet de les distinguer « des revendeurs d’articles d’occasion ». Dès lors, en théorie, les antiquaires doivent se considérer comme des « spécialistes de la recherche, de l’identification, qui leur permettent et leur imposent de formuler des garanties sur leur diagnostic et leurs études » [4]., comprenant notamment « de donner, sur la facture qu’il remet à ses clients, une garantie explicite pour les objets ou œuvres d’art qu’il vend »[5]. Pour autant, de telles considérations doivent être relativiser par la pratique.
Sont également assujettis les entrepôts qui entreposent ou négocient des œuvres d’art ou agissent en qualité d’intermédiaires dans le commerce des œuvres d’art, comprenant également les ports francs ou les zones franches, lesquels offrent des réglementations fiscales avantages. Bien qu’aucun port franc ou zone franche ne soit établi sur le territoire français, leur insertion au sein de la législation française résulte de la transposition de la directive européenne. À titre illustratif, le Luxembourg comporte un port franc dénommé Luxembourg High Security Hub depuis 2014, intervenant notamment dans le stockage des œuvres d’art.
De manière plus générale, sont concernées les « personnes acceptant des paiements en espèces ou au moyen de monnaie électronique d’un montant supérieur à un seuil fixé par décret et se livrant au commerce de biens »[6]. Tracfin y assimile les « entreprises d’habillement ou de maroquinerie de luxe, comme Hermès ou Louis Vuitton »[7], permettant d’incorporer aux obligations en la matière les acteurs du secteur du luxe et de la mode.  
Les personnes se livrant à titre habituel et principal au commerce de métaux précieux ou de pierres précieuses sont également visées par de telles obligations. De telles entités comprennent notamment les personnes intervenant dans le secteur de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, mais également les entreprises exerçant une activité d’achat et de revente de pierres et métaux précieux.

L’insertion de professionnels du marché de l’art au sein d’une des catégories précitées n’est pas sans soulever certaines difficultés pratiques. Tel est notamment le cas des numismates, exerçant une activité d’achat-revente de monnaies de collection et éventuellement une activité relative au négoce d’or d’investissement et d’autres métaux précieux.
L’assujettissement de ces acteurs ne revêt heureusement pas un caractère systématique. En effet, le législateur a fixé un seuil financier, à hauteur de 10.000 euros pour une transaction ou une série de transactions liées entre elles. Le lien entre les transactions n’est aucunement explicité tant par les directives européennes que par le législateur français. Dès lors, cette notion est sujette à une certaine interprétation.
En sus des entités précitées, sont également assujettis aux obligations en la matière les « commissaires de justice » lorsqu’ils assistent ou réalisent des transactions concernant l’achat et la vente de fonds commerce mais également dans l’exercice des missions dont ils sont chargés par décisions de justice[8].

Un article écrit par Me Adélie Denambride
Avocat Collaborateur

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l’art et au droit du marché de l’art, le Cabinet assiste régulièrement les professionnels du secteur (commissaires-priseurs et galeristes notamment) ainsi que leurs syndicats dans la mise en conformité de leur activité au regard des contraintes attachées à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Notre Cabinet intervient aussi bien en France qu’en Belgique, notamment à Bruxelles.

[1] Code monétaire et financier, ancien article L. 562-1, 9o.
[2] Code monétaire et financier, ancien article L. 562-1, 13o.
[3] Code monétaire et financier, article L. 561-2, 10o et 11o.
[4] Syndicat National des Antiquaires, Us et Coutumes.
[5] Ibid.
[6] Code monétaire et financier, article L. 561-2, 11o. Le seuil étant de 10.000 euros (Code monétaire et financier, article D. 561-10-1).
[7] Tracfin, LBC-FT : activité des professions déclarantes, Bilan 2022, p.49
[8] Code monétaire et financier, article L. 561-3, I, 2o, a et V.