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État des lieux du secteur du marché de l’art en matière de LCB-FT

Article publié le 8 décembre 2023

La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) s’intensifie auprès des acteurs du marché de l’art, que ce soit de manière préventive ou répressive. Ainsi, l’autorité de contrôle de ces acteurs, la Direction générale des douanes et des droits indirects, a intensifié le rythme de ses publications en la matière, destinées à informer les acteurs quant à leurs obligations. Par ailleurs, les premières sanctions à l’encontre de galeries d’art ont été prononcées. L’occasion de dresser un état des lieux de la matière en France.   

Des secteurs d’activités regroupant une pluralité d’acteurs 
Le Code monétaire et financier assujettit de nombreuses entités du marché de l’art aux obligations en matière de LCB-FT. Un très rapport récent du Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLB), instance en charge de dresser l’analyse nationale des risques en la matière, met en exergue la pluralité d’acteurs concernés par ces obligations. Ainsi, le secteur des négociants de métaux précieux et de pierres précieuses regrouperait près de 4.200 opérateurs, comprenant les « fournisseurs et sous-traitants du secteur de l’horlogerie de la bijouterie ou de la joaillerie », « les entreprises qui vendent et parfois rachètent à des particuliers des pierres et des métaux précieux » et « les maisons de vente aux enchères dans le cadre des ventes de métaux précieux et de pierres précieuses ». Par ailleurs, le secteur du commerce de l’art et des antiquités compterait près de 10.000 opérateurs comprenant là-encore une diversité d’acteurs et notamment les « galeries d’art et d’antiquités, brocanteurs et antiquaires », les « maisons de ventes volontaires aux enchères publiques », les personnes exerçant une activité de « conseil en acquisition d’œuvres d’art et les activités d’intermédiaires, pouvant être exercées par des courtiers, des conseillers en investissement ou des experts » et enfin les « opérateurs logistiques lorsqu’ils ont une activité d’entreposage dans des ports francs ou zones franches ». Enfin, le rapport évoque l’existence de 427 maisons de vente. Il convient toutefois de préciser que ces catégories ne présentent pas de caractère hermétique de telle sorte qu’il s’avère délicat de comptabiliser l’ensemble des acteurs du marché de l’art assujettis aux obligations en matière de LCB-FT.  

Des vulnérabilités identifiées en fonction des secteurs d’activité
Le COLB dresse ensuite un état des lieux des vulnérabilités intrinsèques aux acteurs du marché de l’art. La première vulnérabilité des négociants de métaux précieux et pierres précieuses résiderait dans l’abondance des marchandises, notamment dans le secteur de la bijouterie-horlogerie- joaillerie. En ce qui a trait aux intermédiaires dans le commerce de l’art et des antiquités, comprenant également les opérateurs de ventes volontaires, ceux-ci présenteraient des vulnérabilités en raison de la place de la France dans le marché mondial de l’art et des antiquités, des paiements effectués en espèces au-delà des seuils de valeur ainsi que du développement des ventes en ligne, favorisant l’anonymat. De tels constats doivent cependant être relativisés dès lors que l’existence éventuelle de tels éléments ne signifient aucunement que le marché de l’art serait, par principe, un lieu systématique de blanchiment et de financement du terrorisme.   

Des déclarations de soupçon inégales selon les activités
Selon une étude publiée par Tracfin, le nombre de déclarations de soupçon a diminué de 71 % entre 2021 et 2022 pour les négociants et intermédiaires dans le commerce d’œuvres d’art et d’antiquités, passant de 14 à 4 déclarations. Tracfin regroupe sous la catégorie de « secteur de l’art et du luxe » trois catégories d’entités assujetties distinctes, à savoir (i) les commerçants de biens, (ii) les commerçants de métaux et pierres précieuses et les (iii) négociants ou intermédiaires dans le commerce d’œuvres d’art et d’antiquités. Pour l’ensemble de ces acteurs, le nombre de déclarations de soupçon était de 17 en 2022 alors qu’elles atteignaient 27 en 2021. Il est précisé que la majorité de ces déclarations porte sur l’absence d’informations quant à l’origine des fonds utilisés dans le paiement des objets d’art et des antiquités, comprenant ainsi la relation entre le professionnel assujetti et l’acheteur. 
A contrario, les déclarations de soupçons des commissaires de justice et des opérateurs de vente volontaire atteignent un nombre total de 311 en 2022, marquant une nette augmentation par rapport à 2021 où 186 déclarations avaient été effectuées. Pour autant, il semble que la qualité des déclarations de ces entités soit moindre que celles du secteur de l’art et du luxe.
Il s’avère particulièrement nécessaire pour les acteurs du marché de l’art de s’approprier les règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme afin d’être en mesure de mettre en œuvre des mesures de vigilance adaptées aux risques identifiés au regard de leur activité et de procéder à une déclaration de soupçon présentant les qualités requises.  

Les premières sanctions entreprises à l’encontre d’acteurs du marché de l’art
Les 20 et 26 octobre 2023, les deux premières sanctions à l’encontre de galeries d’art et de leurs responsables ont été prononcées par la Commission nationale des sanctions en raison de manquements aux obligations en matière de LCB-FT. Ainsi, des interdictions temporaires d’exercice de leur activité avec sursis ont été prononcées ainsi que de lourdes sanctions pécuniaires, allant jusqu’à 30.000 euros pour une des galeries concernées. Les entités du marché de l’art se trouvent ainsi, pour la première fois, confrontées à des procédures de sanctions, mettant en exergue la nécessité de se conformer aux obligations en la matière.

Un article écrit par Me Adélie Denambride
Avocat Collaborateur

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l’art et au droit du marché de l’art, le Cabinet assiste régulièrement les professionnels du secteur (commissaires-priseurs et galeristes notamment) ainsi que leurs syndicats dans la mise en conformité de leur activité au regard des contraintes attachées à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Notre Cabinet intervient aussi bien en France qu’en Belgique, notamment à Bruxelles.