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NFT, œuvre d’art et TVA

Article publié le 25 mars 2024

Trois après la vente événement de « Everydays: the First 5000 days » de Beeple pour près de 70 millions de dollars par Christie’s et la grande spéculation qui s’en est suivie, le marché des NFT (« non fungible tokens ») artistiques s’avère dorénavant bien plus moribond pour des raisons multifactorielles. Pour autant, ce marché continue d’exister, d’accueillir de nouvelles œuvres en son sein et de donner lieu à des transactions, soit autant d’opérations créatrices de valeur qui ne sauraient échapper sur le territoire national au mécanisme de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Si l’appréhension conceptuelle de ce nouvel outil fut parfois malaisée, son appréhension juridique le fut tout autant, notamment en matière de droit d’auteur, et son appréhension fiscale donnait lieu à autant d’interprétations que d’intérêts en jeu.

Dans un souci de régulation et d’harmonisation, l’administration fiscale française offre pour la première fois des règles d’appréhension de ces jetons lorsqu’ils sont ici utilisés dans le domaine de l’art. Sollicitée par le biais d’un rescrit fiscal, l’administration a décidé de publier le 14 février 2024 les réponses apportées à un contribuable sur l’application des règles en matière de TVA pour les transactions relatives à ces jetons. Aucun désamour pour les NFT mais une appréhension de ceux-ci au regard du seul actif dit sous-jacent auquel le NFT renvoie. Au-delà des réponses apportées au domaine concerné, et opposables à tout contribuable, l’appréhension de la notion d’œuvre d’art par l’administration fiscale reste particulièrement stricte en maintenant la seule exécution manuelle comme clé de voûte définitionnelle.

Une insécurité persistante
Jusqu’au rescrit du 14 février 2024, le Code général des impôts n’envisageait aucune norme spécifique pour le régime fiscal des NFT créant alors une insécurité juridique pour les émetteurs de ces jetons non fongibles – notamment les artistes –, leurs détenteurs – les collectionneurs – ou encore les intermédiaires éventuels intervenant lors de la cession de ces actifs numériques – galeries d’art et maisons de ventes notamment -. Cette insécurité provenait notamment de la difficulté d’appréhension des NFT, qui s’avéraient soit confondus avec l’objet auxquels ils se rapportent soit envisagés de manière autonome. Et cette insécurité pouvait alors inciter les acteurs du secteur à la prudence – en choisissant le taux normal de 20% de TVA – ou à l’opportunisme – en choisissant un des taux réduits de TVA soit à 5,5% soit à 10% -.  Or, tout NFT ou JNF ne saurait être qualifié d’œuvre, qu’elle soit d’art ou de l’esprit, ou encore de support pour cette dernière dès lors qu’il ne correspond en réalité qu’au lien, à la modalité de connexion, c’est-à-dire au moyen d’accès vers l’emplacement du fichier numérique sur lequel va être fixée une œuvre numérique, dite sous-jacente, fichier qui sera ensuite enregistré sur la blockchain. Pareille difficulté est dorénavant levée en matière de TVA avec la réponse apportée.

TVA du sous-jacent
Selon l’administration, les jetons non fongibles (JNF) sont des fichiers informatiques uniques, créés et stockés sur un registre numérique de suivi de transactions dénommé « chaîne de blocs » (« blockchain »). Et si le recours à cette technologie peut intervenir dans des situations extrêmement variées, les JNF constituent souvent des certificats numériques attestant de la propriété d’un bien matériel ou immatériel. Une distinction est ainsi à opérer entre un actif numérique autonome et un actif numérique non fongible.
Une fois cette définition opérée, l’administration rappelle que les NFT – ou JNF – ne font l’objet d’aucun dispositif spécifique en matière de TVA et qu’il convient alors d’appliquer les règles et principes en la matière dans les conditions habituelles. La grille d’analyse impose donc de ne pas regarder le JNF en lui-même mais de s’intéresser au bien ou au service auquel il se rapporte, c’est-à-dire au « sous-jacent ». En effet, et toujours selon l’administration, dès lors que le JNF est utilisé comme un certificat de propriété d’un bien corporel ou incorporel, une transaction emportant transfert d’un JNF ne porte pas sur le jeton en lui-même, mais bien sur son sous-jacent. Il y a donc lieu d’examiner au cas par cas, en appliquant les règles de TVA de droit commun, celles qui auraient été mises en œuvre si le bien ou le service avait été livré ou fourni sans le recours à un JNF. En d’autres termes, le NFT ou JNF est neutre pour la TVA.

L’intégralité de l’article est à retrouver dans l’édition française de mars 2024 de The Art Newspaper.     

La position de l’administration fiscale est disponible ici : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/14103-PGP.html/identifiant%3DBOI-RES-TVA-000140-20240214 

Un article écrit par Me Alexis Fournol,
Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, ainsi qu’au droit d’auteur, le Cabinet assiste des artistes dans l’appréhension juridique des nouveaux supports de création et de promotion que sont les NFT. De la même manière, notre Cabinet d’Avocats est en capacité d’accompagner ses clients sur des problématiques spécifiques à la fiscalité du marché de l’art, notamment en matière d’appréhension de la TVA applicable.