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Le droit d’exposition en Belgique

Article publié le 10 octobre 2023

Alors qu’en France le droit d’exposition, ou de droit de monstration, a connu une forte actualité ces dernières années dans la revendication d’une rémunération complémentaire au bénéfice des auteurs, la Belgique a reconnu cette prérogative rattachée aux droits patrimoniaux depuis une loi du 22 mars 1886.

Dorénavant codifié à l’article XI.173 du Code de droit économique, la première des dispositions particulières aux œuvres d’art graphique ou plastique, envisage de manière presque négative la question du droit d’exposition. Ainsi, « sauf convention contraire, la cession d’une œuvre d’art plastique ou graphique emporte au profit de l’acquéreur la cession du droit de l’exposer telle quelle, dans des conditions non préjudiciables à l’honneur ou à la réputation de l’auteur, mais non la cession des autres droits de l’auteur ». En d’autres termes, le droit d’exposition, ou droit de monstration, est apprécié à l’aune de la cession de propriété du support de l’œuvre de l’esprit et, a priori, dans une visée négative dès lors qu’une telle prérogative est réputée être cédée à l’acquéreur sauf disposition contraire.

Le champ d’application du droit d’exposition
La mise en œuvre de cette prérogative du droit d’auteur impose d’envisager de manière restrictive l’exposition à laquelle elle est rattachée. À ce titre, l’exposition semblait devoir s’entendre de la seule mise en relation physique du support de l’œuvre avec le public. Pour autant, et avec le développement de l’art numérique notamment par les biais de nouveaux supports comme des NFT, le seul rapport matérialiste à l’œuvre semble potentiellement devoir être interrogé. Une œuvre numérique a vocation à être exposée dans un espace lui-même numérique, ne permettant pas de mise en relation physique du support de l’œuvre avec le public.
Au-delà de cette interrogation attachée à la nature du support de l’œuvre d’art plastique ou graphique, la loi belge impose d’envisager que le champ d’application du droit d’exposition est par nature restrictive et que l’éventuel bénéfice de ce droit au profit de tout propriétaire ne saurait permettre à ce dernier de réaliser la communication de l’œuvre par tout autre procédé.
Quant aux œuvres concernées par le droit d’exposition, l’article 9, alinéa 1er de la loi du 30 juin 1994 visait initialement la seule « œuvre plastique ». Le Code de droit économique, en son article XI.173, vise dorénavant « l’œuvre d’art plastique ou graphique » permettant de mieux envisager la diversité du champ de la création artistique. Une interrogation demeure néanmoins sur la portée du texte précise de ce droit, notamment pour les œuvres des arts appliqués, dès lors que l’appréciation d’une exception en matière de droit d’auteur, sous l’angle de la législation belge ou même française, est nécessairement restrictive.

Un droit d’exposition qui bénéficie a priori à l’acquéreur
L’article XI.173 du Code de droit économique institue une présomption de cession au bénéfice de tout acquéreur d’une œuvre d’art plastique ou graphique. Pareille cession du droit d’exposition si elle bénéficie au premier acheteur a bien évidemment vocation à bénéficier aux acquéreurs successifs, dès lors que la vente emporte la cession des accessoires conformément à l’ancien article 1615 du Code civil et au nouvel article 3.9 du Code civil[1].
Mais il s’agit ici d’une présomption simple qui peut donc être renversée si l’artiste a souhaité conserver une telle prérogative. En pareille hypothèse, il est alors vivement recommandé de porter contractuellement la mention d’une telle réservation au bénéfice de l’auteur sur toute facture ou tout certificat d’authenticité, que de tels documents soient établis directement par l’artiste ou par le biais de la galerie qui représenterait son travail et ses intérêts.

Droit d’exposition et respect de l’auteur et de son œuvre
Par ailleurs, l’article XI.173 du Code de droit économique précise que l’œuvre doit être exposée « telle quelle » imposant dès lors un parfait respect de l’œuvre, c’est-à-dire ici d’une des prérogatives du droit moral dont est investi l’artiste puis ses héritiers. Quant au rappel des « conditions non préjudiciables », il semble que cette hypothèse vise notamment le respect du droit à la paternité, c’est-à-dire du droit au respect de son nom, et du droit au respect dû à l’intégrité spirituelle de l’œuvre. Au-delà de ces prérogatives attachées au droit moral, et de la visée restrictive du droit d’exposition, d’autres droits semblent pouvoir être potentiellement convoqués à l’instar des droits de la personnalité qui pourraient être invoqués par l’artiste afin de faire valoir ses droits. 

Le cas Van de Woestyne
Gustave van de Woestyjne (1881-1947), peintre, dessinateur et illustrateur belge avait tenté d’engager judiciairement la responsabilité de l’association L’Art Vivant, après avoir reproché à celle-ci d’avoir exposé certaines de ses œuvres au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles dans des conditions qui auraient pu faire croire, selon l’artiste, qu’il aurait appartenu aux yeux du public au groupement de « l’art vivant », « ce qu’il avait expressément refusé ».
Selon la décision du Tribunal de première instance de Bruxelles rendue le 14 juillet 1931[2], le droit d’exposition qui passe au cessionnaire de l’œuvre est nécessairement limité par l’obligation de respecter spécialement le droit moral de l’artiste et le droit de l’auteur au respect de sa personnalité. Le cessionnaire d’une œuvre d’art ne peut classiquement l’exposer publiquement après l’avoir modifiée ou sous un autre nom que celui de l’auteur. Il ne peut non plus l’exposer « dans des conditions outrageantes » pour l’auteur. Or, pour des expositions dans un salon public de toiles dont l’artiste n’est plus propriétaire, il ne peut être considéré qu’il s’agissait là d’une participation en tant que membre du mouvement de l’art vivant, dès lors qu’aucune mention ou référence de l’artiste comme appartenant au mouvement n’était réalisée au sein de l’exposition ou au sein du catalogue édité et que l’exposition litigieuse n’était pas non plus réservée aux seuls artistes du mouvement artistique. Et selon le Tribunal, « l’exercice du droit d’exposition par le cessionnaire d’une œuvre d’art n’est pas subordonné à l’obligation de mentionner sur les œuvres ou dans les catalogues s’il y a ou non assentiment de l’auteur ; que pareille obligation ne serait d’ailleurs pas concevable, la cession de l’œuvre entraînant, sauf réserve contraire, le droit de l’exposer sans l’assentiment de l’auteur ».

Droit d’exposition et rémunération des artistes
À l’instar des revendications de nombreux acteurs français, un mouvement similaire a eu lieu en Belgique, porté notamment par la Fédération des arts plastiques qui avait sollicité du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles la mise en place d’une grille de rémunération des expositions au bénéfice des artistes et commissaires d’expositions. Une telle grille de rémunération devait, selon les souhaits de l’association sans but lucratif, s’appliquer dans tous les lieux subventionnés par la Fédération Wallonie-Bruxelles et ce, de manière contraignante dès que la structure d’accueil compte un employé, alors qu’aujourd’hui les conventions de subvention des centres d’art ne contiennent aucune obligation de rémunération au profit des artistes. Une telle rémunération devait notamment inclure une partie, au bénéfice des artistes, au titre des droits de monstration. Ces derniers ont vocation à être déclarés au titre du droit d’auteur avec un montant qui varie en fonction de quatre critères : les dimensions des lieux d’exposition (selon quatre catégories), la durée de l’exposition, le pourcentage de nouvelles pièces produites par l’artiste, le nombre d’artistes présentés au sein de l’exposition.
Le journal Le Soir annonçait le 6 octobre 2023 qu’après « plusieurs mois de blocage politique et administratif, l’expérience-pilote de rémunération pour exposition des artistes plasticiens s’est enfin matérialisée en espèces sonnantes et trébuchantes », grâce à une subvention communautaire à hauteur de 5 à 6.000 euros par projet programmé. Cette expérience pilote concerne huit centres d’art pour l’année en cours et devrait donner lieu à une réédition en 2024.
En Belgique, et plus particulièrement en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’enjeu attaché au droit d’exposition est dorénavant celui du droit de monstration et plus particulièrement de la rémunération des artistes et des auteurs au titre de l’exposition de leurs œuvres.

Un article écrit par Me Alexis Fournol, Avocat Associé.

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[1] « Sauf clause contraire, tout acte de disposition relatif à un bien concerne de plein droit les accessoires de celui-ci ».
[2] TPI Bruxelles, 1re ch., 14 juill. 1931, Pas., III, 1931, p. 161 ; LDA, oct. 1932, pp. 117-118.