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Décisions de la CNS (2/4) : Identifier et vérifier l’identité des clients et des bénéficiaires effectifs

Article publié le 12 février 2024

La lecture des deux décisions rendues par la Commission nationale des sanctions (CNS), respectivement les 20 et 26 octobre 2023, permet de mieux cerner les attentes de la CNS à l’égard des acteurs du marché de l’art, assujettis aux obligations en matière de LCB/FT. Au regard des éléments qui lui ont été soumis, la CNS a considéré qu’un manquement à l’obligation d’identifier et de vérifier l’identité des clients et des bénéficiaires effectifs était caractérisé, dès lors que les galeries et leurs dirigeants ont procédé de façon partielle et insuffisante à l’accomplissement d’une telle obligation.  

L’obligation d’identifier et vérifier les bénéficiaires effectifs
Une telle obligation s’applique de manière indifférenciée à l’ensemble des entités assujetties et se fonde sur les dispositions du Code monétaire et financier. Dans le secteur du marché de l’art, la notion de client recouvre tant le vendeur que l’acheteur aussi bien pour les galeries d’art, les antiquaires ou les maisons de vente. Il est en principe nécessaire de distinguer selon que la relation avec le client constitue une relation d’affaires ou, au contraire, qu’elle ne présente qu’un simple caractère occasionnel. Tandis que dans le premier cas, l’obligation légale s’applique de manière systématique, elle est conditionnée dans le second cas à un seuil financier, à des modalités de paiement ou encore à l’existence de soupçons en matière de LCB-FT. Une telle obligation s’applique également à l’égard des « bénéficiaires effectifs » lorsque le client est une personne morale. Il s’agit ainsi de la personne physique pour laquelle l’opération est exécutée ou qui contrôle en dernier lieu, directement ou indirectement, la personne morale.  

Les manquements constatés
Il était ici constaté par la CNS l’absence d’identification complète, le fait qu’une transaction se soit déroulée dans des conditions anormales, tenant à la rapidité de la transaction et à l’impossibilité d’identifier l’acquéreur, dès lors que seul un pseudonyme était indiqué. La seconde galerie avait déclaré opérer une distinction entre les vendeurs et les acheteurs, dès lors que l’identité des vendeurs était vérifiée, mais que seule l’adresse de facturation des acheteurs était contrôlée car ceux-ci, selon la galerie, présentaient moins de risques. Or, la galerie, comme tout assujetti, devait satisfaire à de telles obligations, quelle que soit la qualité du client, vendeur ou acheteur. Aucune mention de seuils financiers n’est précisée au sein de ces décisions, alors que les conditions d’application de l’obligation d’identification et de vérification de l’identité à l’égard du client ponctuel suppose la caractérisation des seuils financiers, des modalités de paiement ou de soupçons en matière de LCB-FT.  

L’indifférence dans la connaissance personnelle du client
Il était également reproché à la première galerie le fait de ne pas avoir pu justifier l’identification des bénéficiaires effectifs en ce compris les sociétés ayant un lien avec un ami d’enfance d’un dirigeant et dont le siège de l’activité était situé à l’étranger. Or, pour la CNS, la circonstance que la galerie connaissait personnellement les personnes avec lesquelles elle était en relation d’affaires n’était pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité et de son obligation à procéder à de telles identification et vérification. En effet, la connaissance particulière du client peut avoir une incidence au niveau du risque identifié et, corrélativement, des mesures de vigilance à appliquer mais ne peut pas conduire à l’absence d’identification et de vérification de son identité. Tel est également le cas pour la notoriété du client, moyen invoqué par la seconde galerie pour tenter de se dégager de sa responsabilité.   

L’indifférence de la négligence dans la conservation des documents
La première galerie soulevait une négligence dans la conservation des documents, afin de justifier l’absence de documents complets à transmettre aux agents des douanes. Cet argument est rejeté par la CNS, laquelle considère que le manquement à l’obligation d’identification et de vérification de l’identité ne pouvait s’apprécie comme une insuffisance ponctuelle. L’absence de tels documents entraîne également la caractérisation du manquement à l’obligation imposée par le Code monétaire et financier de conservation des données pendant un délai de cinq ans à compter de la clôture des comptes ou de la cessation des relations avec le client.  

La caractérisation du manquement au jour du contrôle par les agents des douanes
Il ressort de ces décisions que l’entité assujettie doit justifier, au jour du contrôle par les agents des douanes, d’« un degré minimal de formalisation et de traçabilité ». Cette exigence est définie de manière négative par la CNS, dès lors que cette obligation n’est pas respectée si aucune fiche client ne peut être produite au jour du contrôle et comportant les mentions requises par les dispositions légales, lesquelles diffèrent s’il s’agit d’une personne morale ou physique. En tout état de cause, les mesures correctives survenues postérieurement au contrôle permettent la régularisation des anomalies mais sont sans incidence sur la caractérisation du manquement. 

La satisfaction à l’obligation d’identification et de vérification de l’identité du client et du bénéficiaire effectif nécessite, pour les acteurs du marché de l’art, d’établir au sein de leurs protocoles et procédures internes les modalités de son application.

Un article écrit par Me Adélie Denambride
Avocat Collaborateur 

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l’art et au droit du marché de l’art, le Cabinet assiste régulièrement les professionnels du secteur (commissaires-priseurs et galeristes notamment) ainsi que leurs syndicats dans la mise en conformité de leur activité au regard des contraintes attachées à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Notre Cabinet intervient aussi bien en France qu’en Belgique, notamment à Bruxelles.