La répartition entre les héritiers d’un artiste d’œuvres d’art reçues en héritage
Article publié le 9 septembre 2024
Le partage amiable des œuvres d’un artiste décédé entre ses divers héritiers doit être organisé et réalisé en fonction des droits de chacun dans la succession et de la situation particulière de l’artiste, notamment si celui-ci était encore marié de son vivant, si des enfants lui survivent et si des dispositions testamentaires ont été prises. Néanmoins, et quelle que soit la situation spécifique de l’artiste concerné et de l’œuvre qui lui survit, de grands principes peuvent être aisément appréhendés dans la perspective de la répartition des œuvres d’art d’un artiste entre ses héritiers.
Les grands principes de la répartition des œuvres d’art entre héritiers d’un artiste
Lorsqu’un artiste décède ses œuvres d’art font nécessairement partie de l'actif successoral. C’est cet actif successoral, composé notamment des œuvres et de tout autre bien ayant appartenu au défunt, dont les biens immeubles éventuels, qui constitue alors la masse partageable entre les héritiers en cas d’acceptation de la succession. Les œuvres d’un artiste qui étaient encore sa propriété au jour de son décès doivent donc être réparties entre les héritiers selon les règles du droit des successions.
Quelques grands principes guident une telle répartition du corpus artistique de l’artiste si les héritiers ont décidé de procéder à leur répartition amiable.
En premier lieu, une égalité de principe existe entre les héritiers d’un artiste. En effet, et en l'absence de testament spécifique, la loi impose une répartition égale entre les héritiers. Une telle situation peut revêtir une certaine complexité pour des œuvres d'art, dont la valeur peut varier considérablement d'une œuvre à l'autre. C’est pourquoi, et avant toute répartition, il est essentiel d'évaluer les œuvres composant la succession d’un artiste. Cette évaluation doit être réalisée par des sachants, qu’ils soient commissaires-priseurs ou experts, afin s'assurer que la répartition soit équitable en termes de valeur et qu’aucun héritier ne soit lésé. L’intervention d’un avocat en complément de ces professionnels peut s’avérer utile afin d’offrir un cadre sécurisé pour l’ensemble des ayants droit de l’artiste.
En deuxième lieu, cette égalité peut être perturbée si l'artiste avait rédigé un testament, dont les termes guidaient la répartition des œuvres entre ces héritiers. Un tel testament peut, en effet, inclure des dispositions spécifiques soit au bénéfice de certaines œuvres soit au bénéfice de certains héritiers. Une attention particulière devra être portée à toute atteinte éventuelle à la réserve héréditaire dans l’hypothèse d’une répartition inéquitable entre les héritiers, qu’il s’agisse des enfants de l’artiste ou de tout proche de celui-ci. Une nouvelle fois, l’évaluation des œuvres constituant le corpus artistique restant de l’artiste est ici essentielle.
Enfin, et dans certaines hypothèses, notamment pour conserver l’unité d’un fonds d’atelier ou d’un corpus artistique, les héritiers peuvent décider de conserver les œuvres en indivision, c'est-à-dire que chaque héritier détient une part de l'ensemble du corpus de l’œuvre sans qu'aucune œuvre ne soit spécifiquement attribuée à l'un ou l'autre. Cette solution mérite néanmoins de mener une véritable réflexion parallèle tant en ce qui concerne la gestion quotidienne de l’indivision successorale que les conséquences attachées à toute sortie future de l’indivision successorale.
Les modalités de répartition des œuvres d’art entre héritiers d’un artiste
Plusieurs modalités peuvent être envisagées afin de répartir des œuvres d'art, issues de la succession d’un artiste, entre héritiers. Ces options dépendent souvent des préférences des héritiers et de la nature ou de la valeur des œuvres.
La répartition en nature : Cette modalité consiste à attribuer des œuvres déterminées à chaque héritier. Pour garantir l'équité entre chaque héritier, une estimation préalable des œuvres est nécessaire. Cette évaluation doit être réalisée par des sachants, qu’ils soient commissaires-priseurs ou experts, afin s'assurer que la répartition soit équitable en termes de valeur et qu’aucun héritier ne soit lésé. C’est pourquoi, le recours à l’établissement d’un inventaire successoral ou fiscal est vivement recommandé dans le cadre de la succession d’un artiste. En effet, cet inventaire permet tout à la fois de posséder une liste précise et détaillée, œuvre par œuvre, du corpus de l’artiste décédé et une évaluation – dénommée prisée – pour chaque œuvre concernée.
Deux modalités de répartition sont alors possibles. Soit les héritiers procèdent à la constitution de lots, correspondant aux droits de chacun dans la succession et qui seront ici constitués en partie ou essentiellement des œuvres héritées, soit ils ne procèdent pas à la constitution de tels lots. Dans le premier cas, la répartition des lots peut être réalisée soit d’un commun accord, soit par tirage au sort. Dans le second cas, les héritiers procèdent à une répartition alternée. La répartition alternée dans le contexte de la répartition des œuvres d'art entre héritiers est une méthode qui permet de diviser les œuvres de manière équitable tout en prenant en compte les préférences individuelles des héritiers. Lors d'une répartition alternée, les héritiers se relaient pour choisir tour à tour les œuvres dont ils souhaitent se voir attribuer la pleine propriété. À titre d’exemple, la succession d’un artiste est constituée de trois héritiers désignés ici A, B et C. Le processus de répartition alternée pourrait se dérouler ainsi : l’héritier A choisit une œuvre en premier, puis l’héritier B opère son propre choix et, enfin, l’héritier C choisit à son tour. Ce processus recommence alors avec l'héritier A, jusqu'à ce que toutes les œuvres soient réparties. Attention néanmoins, un rééquilibrage peut être nécessaire si un héritier a choisi des œuvres d’une valeur plus importante que les autres héritiers. En ce cas, une compensation monétaire, dénommée soulte, devra être versée aux héritiers concernés.
L'objectif de la répartition alternée est de permettre à chaque héritier de se voir attribuer certaines des œuvres pour lesquelles un attachement existe, tout en évitant de créer des inégalités significatives. Pour équilibrer les écarts de valeur entre les œuvres choisies, des compensations financières peuvent parfois être prévues. Cette méthode est particulièrement appréciée lorsque les héritiers ont des préférences différentes ou lorsque les œuvres ont une valeur comparable, mais un attachement émotionnel différent pour chaque héritier. Elle permet de gérer la répartition de manière juste et transparente, tout en évitant les conflits qui peuvent survenir lorsqu'il s'agit de partager des biens artistiques hérités.
La vente et le partage du produit de la vente des œuvres : si les héritiers ne parviennent pas à s’accorder sur la répartition des œuvres, ils peuvent également décider de les vendre et de se partager le produit de la vente, notamment à l’occasion d’une vente aux enchères publiques faisant intervenir un commissaire-priseur. Cette solution est souvent adoptée lorsque les œuvres ont une grande valeur financière mais un faible attachement sentimental pour les héritiers. Elle peut également concerner, au moment du partage, une partie seulement des œuvres de l’artiste ou encore les œuvres d’autres artistes que le défunt avait pu collectionner ou acquérir de son vivant.
Enfin, les héritiers peuvent décider de conserver tout ou partie des œuvres en indivision. Cette solution peut être temporaire ou définitive, selon les préférences des héritiers. De la même manière, les héritiers peuvent décider de faire don de certaines œuvres à un musée ou à une institution publique, en accord avec les volontés du défunt notamment si celui-ci avait prévu par voie testamentaire des legs spécifiques, pour valoriser l’œuvre de l’artiste décédé ou encore pour des raisons fiscales, notamment dans la perspective de payer une partie des droits de succession. En pareille hypothèse, et selon la nature et le rayonnement de l’œuvre concernée, la mise en œuvre d’une procédure de dation en paiement peut être envisagée.
La répartition des œuvres d'art entre héritiers est une opération délicate qui requiert souvent l'intervention de professionnels, qu'il s'agisse d'avocats, de notaires ou d'experts en art. Une planification anticipée par le défunt, incluant des dispositions claires dans un testament, peut grandement faciliter ce processus et éviter les conflits familiaux. Pour toute assistance dans ce domaine, notre cabinet d'avocats se tient à votre disposition pour vous accompagner dans la gestion juridique et fiscale de la succession d'œuvres d'art.
Un article écrit par Me Alexis Fournol,
Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.
Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste régulièrement des héritiers dans l'appréhension des problématiques successorales spécifiques attachées aux œuvres et objets d'art. Que ces problématiques soient d’ordre fiscal, d’ordre successoral ou encore d’ordre pénal.
Le Cabinet Fournol Avocats accompagne des successions d’artistes plasticiens, de photographes, de designers, d’illustrateurs, français ou étrangers, bénéficiant d’une reconnaissance très importante par le marché et le monde de l’art ou en voie de bénéficier d’une telle reconnaissance. Nous assurons un suivi constant, qui ne se limite pas au seul domaine juridique. Nous accompagnons également des successions de collectionneurs afin de les aider à mettre en valeur les collections héritées. Avocats en droit de l’art et en droit du marché de l’art, nous intervenons également en matière de droit des contrats, de droit de la responsabilité, de droit de la vente aux enchères publiques pour l’ensemble de nos clients, aussi bien à Paris que sur l’ensemble du territoire français et en Belgique (Brussels).