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Atteinte à une œuvre dans l’espace public

Article publié le 4 juin 2025

La vie des œuvres d’art dans l’espace public est bien souvent loin d’être un fleuve tranquille. Oubliées, délaissées, malmenées, voire détruites, déposées ou encore déplacées, ces créations d’artistes à la notoriété variable, marqueurs spatiaux d’une décennie, d’une rénovation urbaine ou d’une initiative politique, font dorénavant régulièrement l’objet de procédures contentieuses portées devant les juridictions. Ces procédures, qu’elles soient initiées par les artistes ou par leurs héritiers, poursuivent habituellement un double objectif : la remise de l’œuvre dans son état d’origine et la réparation d’un éventuel préjudice subi au titre de l’atteinte au droit moral. Jusqu’à une décision du Tribunal des conflits du 5 septembre 2016, rendue dans le litige au long cours opposant Jean Nouvel à la Philharmonie de Paris, un doute pouvait subsister sur le juge à saisir pour défendre ces deux demandes et plus précisément sur l’ordre juridictionnel, administratif ou judiciaire.

À cette occasion, une scission de cette hypothèse de contentieux entre le juge judiciaire et le juge administratif a été opérée. Une telle compétence partagée impose alors de porter devant le juge de l’ordre judiciaire l’action visant à voir réparée l’atteinte à l’intégrité, matérielle ou spirituelle, de l’œuvre au titre du droit moral. En revanche, la demande visant à voir ordonnée la remise en état de l’œuvre dénaturée relève de la compétence du juge de l’ordre administratif. Et ce, alors même qu’une telle action poursuivrait l’objectif de restituer à l’œuvre son intégrité d’origine. Le Tribunal des conflits avait ainsi retenu que « si la juridiction judiciaire est seule compétente pour se prononcer sur la question de savoir si M. Nouvel a subi un préjudice résultant de la dénaturation qu’aurait fait subir à son œuvre le maître d’ouvrage, la juridiction administrative est, en revanche, seule compétente pour statuer, le cas échéant, sur la demande tendant à la réparation de ce préjudice par la réalisation de travaux sur l’immeuble de la Philharmonie de Paris ».

Cette solution vient d’être rappelée à l’occasion du conflit opposant les héritiers de Guy de Rougemont à la commune de Châteauroux, cette dernière ayant procédé au déplacement de l’œuvre « Les Piliers de la République » en 2023, sous le prétexte des Jeux Olympiques et dans la perspective du réaménagement de la place centrale de la République. La Cour d’appel de Paris rappelle ainsi, dans une décision du 9 avril 2025, que si « Les Piliers de la République » constituent une œuvre de l’esprit conférant « à son auteur et à ses ayants droit un droit de propriété incorporelle comprenant notamment un droit moral au respect de l’œuvre, il s’agit également d’un ouvrage public ressortissant à la domanialité publique [de Châteauroux] et dont celle-ci est propriétaire, s’agissant d’une œuvre exécutée dans le cadre d’une convention du 4 juin 1999, implantée sur le domaine public ». Or, ordonner judiciairement à une commune de réinstaller une œuvre et de rétablir l’état initial de celle-ci « porte manifestement atteinte à l’intégrité d’un ouvrage public car elle implique, d’une part, le déplacement de l’œuvre qui est un ouvrage public et, d’autre part, des travaux et la modification de la [place], qui constitue une dépendance du domaine public communal, pour l’accueillir à nouveau ». Sur ce seul point précis, la Cour d’appel de Paris se déclare incompétente, confortant l’analyse de première instance. Seul le juge administratif est compétent pour ordonner éventuellement la réinstallation de ce triangle de trois colonnes de dix mètres de haut auparavant érigées devant l’hôtel de ville et dorénavant reléguées dans un centre de tir en dehors de la commune. La réparation de l’éventuelle atteinte au droit moral, notamment au titre du respect de l’intégrité de l’œuvre, demeure en revanche l’apanage du juge judiciaire, bien qu’elle soit causée par une personne publique.

L’intégralité de l’article est à retrouver dans l’édition française de juin 2025 de The Art Newspaper.

Un article écrit par Me Alexis Fournol,
Avocat à la Cour et Associé du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art, le Cabinet intervient régulièrement pour le compte d'artistes, dont les oeuvres ont été détériorées ou irrémédiablement détruites tant par des personnes de droit privé que de droit public.

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