Contrat artiste galerie - violation de clause d’exclusivité par un artiste
Article publié le 19 août 2025
La présentation par un artiste de son travail artistique au sein d’un musée peut constituer une violation de la clause d’exclusivité présente dans le contrat le liant avec sa galerie. Le jugement du 26 juin 2025 rendu par le Tribunal judiciaire de Paris rappelle la nécessité de s’assurer de l’étendue de l’exclusivité consentie à une galerie d’art et d’envisager les sanctions possibles en cas de violation, dont la résiliation du contrat.
Aux termes d’un contrat conclu le 6 novembre 2017, un artiste avait confié à la vente ses œuvres à une galerie parisienne pour deux années à compter du 1er janvier 2018. Ce contrat était renouvelable à son terme par tacite reconduction. Le premier article prévoyait que l’artiste s’engageait à travailler exclusivement avec la galerie. À l’occasion des deux années de collaboration, la galerie réalisait 1.537.000 euros de chiffre d’affaires. Pour autant, seuls 296.500 euros étaient versés à l’artiste, les parties convenant alors d’un échéancier de paiement pour les ventes non payées. Le contrat faisait malgré tout l’objet d’une reconduction tacite par les parties.
En raison de la pandémie de Covid-19, aucune exposition n’était organisée par la galerie en 2020 et l’artiste décidait alors de participer à une exposition au sein d’une galerie parisienne concurrente du 30 janvier au 28 février 2021. La galerie notifiait alors le 17 février 2021 la résiliation du contrat de représentation et sollicitait le décompte des ventes réalisées lors de l’exposition organisée par son concurrent en violation de l’exclusivité. De son côté, l’artiste obtenait à titre conservatoire une ordonnance du juge de l’exécution l’autorisant à procéder à la saisie de la somme de 237.610 euros contre son ancien partenaire. Dans la continuité de cette mesure conservatoire, l’artiste assignait la galerie pour résiliation du contrat aux torts exclusifs de celle-ci et au paiement des sommes dues. Ces demandes furent rejetées par le Tribunal judiciaire de Paris, qui accueillit en revanche celles formulées en défense par la galerie[1].
Une délimitation imprécise de l’exclusivité
En effet, la galerie sollicitait à titre reconventionnel la résolution du contrat aux torts exclusifs de l’artiste et sa condamnation à verser la somme de 504.105 euros au titre des commissions non perçues en raison de la commercialisation de ses œuvres par une galerie concurrente. Cette résiliation s’appuyait sur la violation de l’article 1er du contrat par lequel il s’engageait à travailler exclusivement avec la galerie. Cette dernière soutenait que cette clause portait sur l’ensemble du travail de l’artiste, expositions muséales comprises. Or, alors que le contrat avait été reconduit tacitement, l’artiste avait exposé son travail non seulement au sein d’une galerie commerciale, mais également au sein d’un musée en avril 2018 dans le cadre d’une exposition à dimension non commerciale. Enfin, deux ventes en direct étaient intervenues dont une au bénéfice d’un musée.
Au terme de leur décision, les magistrats du Tribunal judiciaire de Paris constatèrent que la clause ne comportait aucune précision quant au type de travail sur lequel portait l’exclusivité et jugent qu’« il y a lieu de considérer que celle-ci s’applique aussi bien à la vente qu’à l’exposition d’œuvres d’art ». Ainsi, outre l’exposition avec la galerie parisienne concurrente, la présentation de ses œuvres à l’occasion d’une exposition non commerciale au sein d’un musée constitue une violation de cette clause pour la juridiction. « Ces deux manquements sont suffisamment graves (…) et ils sont de nature à rendre impossible la poursuite de la collaboration entre [l’artiste] et [la galerie] ». La résiliation est donc prononcée aux torts de l’artiste. Sévère, ce jugement pourrait donner lieu à une critique en appel.
Une vigilance particulière quant à l’étendue de l’exclusivité
Cette décision doit surtout inviter les artistes et les galeries à être vigilants quant à l’étendue de l’exclusivité. Outre la délimitation de son étendue territoriale, l’exclusivité doit également faire l’objet d’une définition précise quant au « travail » sur lequel elle porte.
À cet égard, il semble important de préciser que l’exposition au sein d’espaces non commerciaux ne relève pas de l’exclusivité d’une galerie, même si celle-ci peut soutenir l’artiste dans le cadre de sa promotion. La délimitation de l’exclusivité peut également porter sur le type d’œuvres. À cet égard, le contrat type artiste galerie proposé par le Comité professionnel des galeries d’art propose de retenir une exclusivité pour toutes « les œuvres de l’artiste », ou alors « pour les peintures de l’artiste », « pour les sculptures de l’artiste », ou pour « l’ensemble des œuvres de l’artiste à l’exclusion des estampes ou œuvres multiples, etc. ». Cette modulation de l’exclusivité en fonction du medium peut s’avérer intéressante. Le syndicat représentant les galeries d’art recommande également de prévoir des contreparties à cette exclusivité, telles que le nombre d’expositions ou les modalités de communication. En l’espèce, le contrat entre l’artiste et la galerie en litige prévoyait un minimum garanti au bénéfice de l’artiste, de nature à justifier cette exclusivité.
Si la négociation d’un contrat peut s’avérer superfétatoire au début d’une collaboration entre un artiste et une galerie, les conséquences peuvent être lourdes pour l’une ou l’autre des parties qui ne respectent pas les clauses stipulées. Ainsi, alors que les ventes non payées s’élevaient à 287.610 euros, ce montant est ramené à de plus justes proportions en raison des indemnités dues par l’artiste au titre de la violation du contrat. La galerie est en effet finalement condamnée à ne verser la somme de 69.772,50 euros.
Un article écrit par Me Simon Rolin
Avocat Collaborateur
Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l’art et au droit du marché de l’art, le Cabinet intervient régulièrement au bénéfice des galeries d’art et des artistes dans la contractualisation de leurs relations, ainsi qu’au bénéfice des galeries dans la contractualisation de leurs relations avec les collectionneurs. Avocats en droit de l’art et en droit du marché de l’art, nous intervenons également en matière de droit des contrats, de droit de la responsabilité, de droit de la vente aux enchères publiques pour l’ensemble de nos clients, aussi bien à Paris que sur l’ensemble du territoire français et en Belgique (Bruxelles).